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ouvrirait le chemin d’une juste et nécessaire indépendance aux Slaves de l’Adriatique.

Comme les chefs des gouvernemens alliés n’ont jamais cessé de le proclamer, la restauration de la Serbie est une dette d’honneur contractée envers elle, envers sa fidélité admirable à l’engagement de lutter jusqu’à la victoire finale. Cette restauration ne serait pas entière, si l’on n’y ajoutait la possession d’un débouché maritime qui soustrairait la Serbie à toute dépendance économique. Cette restauration est aussi une nécessité européenne. Le cri de guerre des Etats chrétiens armés contre le Croissant : « Les Balkans aux Balkaniques ! » doit recevoir sa consécration vis-à-vis des Puissances centrales, plus funestes désormais à la liberté de la péninsule que les Turcs encore accrochés au Bosphore. Que la monarchie des Habsbourg soit donc rejetée dans les plaines de la Hongrie et qu’elle n’en sorte plus : c’est le vœu de tous les Alliés. L’élimination de cet élément de trouble, d’intrigue et de dissolution est la première condition d’une ère réparatrice sur ce sol arrosé de tant de sang, rendu stérile, fermé à la civilisation et au progrès par des inimitiés intestines qu’entretenaient les ennemis étrangers.

Cela fait, et en attendant qu’on découvre la formule de la paix universelle et qu’on institue le règne de l’arbitrage obligatoire, il parait nécessaire que la Serbie soit assez forte pour constituer avec la Roumanie une barrière contre les entreprises germaniques. Ces deux Etats ont toujours vécu en bonne intelligence. Rien ne les sépare que la largeur du Danube et aucune rivalité ne les a fait se heurter dans les voies différentes où se poursuivait leur développement. Un même intérêt de conservation les a unis au contraire contre la menace d’une tyrannie bulgare. Une soudure entre eux sous la forme d’une ligue ou d’une confédération, où entreraient aussi la Grèce, plus tard peut-être encore une Bulgarie repentante, mériterait, à mon avis, de fixer l’attention des hommes politiques de Belgrade, d’Athènes et de Bucarest, celle aussi des autres Alliés qui s’occuperont de bâtir une paix durable.

Vous voudriez donc ressusciter l’union balkanique ? me dira-t-on. Elle est morte assassinée par le tsar Ferdinand, et il l’a enterrée à jamais sous des cadavres serbes, de complicité avec les Austro-Allemands et les Turcs.