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du collège qui n’ont laissé en leur esprit qu’attendrissement et reconnaissance.

En classe, si quelque accroc est fait à cette égalité de convention, c’est par ceux des élèves qui nous sembleraient devoir être les plus intéressés à son maintien : quand un jeune seigneur obtient un succès, une récompense, des félicitations, ses camarades du « tiers » l’applaudissent et le complimentent avec plus d’entrain que s’ils s’adressaient à l’un des leurs : ce n’est pas flatterie, c’est satisfaction : « J’ai souvent remarqué, rapporte un ancien élève d’Harcourt et de Louis-le-Grand, que la classe savait bien plus de gré à un noble d’y obtenir une bonne place qu’à un roturier… » On se réjouissait de reconnaître laborieux celui qui n’avait pas besoin d’assurer son avenir[1]. Les jours de sortie, — et ils revenaient fréquemment, — « la cour du collège se transformait en véritable salle de spectacle : les camarades en quartier faisaient la haie pour voir les camarades en chambres passer et monter en voiture ; » le défilé de ces élégans qu’un carrosse pompeux attendait à la porte et autour desquels s’empressaient les valets de pied, était salué de railleries « dans le genre de celles dont les piétons de Longchamp régalaient les gens à équipage. » C’était un charivari amical : les quolibets pleuvaient sur les privilégiés qui ripostaient de leur mieux, avouant, pourtant, que la réplique valait moins que l’apostrophe, laquelle l’emportait « par le droit du bon sens populaire et de la raison pratique[2]. »

Et les études ? On serait tenté d’affirmer que c’était l’accessoire, tant était grande la liberté laissée à tout élève de suivre ou de déserter les cours. Si l’on excepte les auteurs latins et grecs, seuls objets recommandés à l’application de tous, le reste n’était « qu’art d’agrément. » À Juilly même, où la discipline passait pour plus stricte et le programme mieux défini, l’étude des mathématiques n’était pas obligatoire : le P. Fouché, — le futur ministre de la police, — qui les professait, n’avait affaire qu’à des auditeurs de bonne volonté[3]. « Les sciences, au dire d’un sage de ce temps-là, sont un aliment qui enfle ceux qu’il ne nourrit pas ; il faudrait le leur interdire. Ce mets vanté leur fait dédaigner une autre nourriture qui serait meilleure

  1. Mémorial de Norvins, I, 11 et suiv.
  2. Mémorial de Norvins, loc. cit.
  3. Arnault, Souvenirs d’un sexagénaire, I, 40.