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La révolution qui les avait un moment menacées était écrasée, et bien que ses racines fussent restées dans le sol, Nicolas Ier se flattait de parvenir à les extirper. Il demeurait convaincu qu’à la condition de gouverner avec une main de fer et de fermer ses États aux doctrines révolutionnaires, il n’aurait pas à redouter une insurrection nouvelle. :

Il était dans sa destinée de voir ses prévisions se réaliser. Durant ses trente ans de règne, on ne signalera en Russie aucun attentat contre sa personne, ni aucune tentative de révolte contre son autorité, malgré l’exemple donné aux Russes par les Polonais. Confiant dans l’efficacité de ses procédés de gouvernement, poussant le culte de son autocratie jusqu’à se laisser dire qu’il est impeccable et infaillible, Nicolas croira inexpugnable sa résistance aux idées libérales et ne soupçonnera pas l’avenir tragique que préparent à son successeur les sociétés secrètes qui de toutes parts continuent, comme sous le règne de son frère, à s’organiser à son insu dans l’Empire.

Au cours de la période dont nous parlons, antérieure à 1830, ses relations avec les puissances européennes, bien que la sourde hostilité de l’Angleterre et de l’Autriche menaçât de les altérer, ne furent pas troublées. Celles qu’il entretenait avec le gouvernement de Charles X étaient de plus en plus cordiales, confiantes, voire affectueuses. Rappelé à Paris où il entrait en janvier 1828 dans le cabinet Martignac comme ministre des Affaires étrangères, l’ambassadeur La Ferronnays n’avait pas reparu à Pétersbourg et n’y devait pas reparaître. Mais le gouvernement royal avait envoyé pour le remplacer le général duc de Mortemart. Celui-ci, nouveau venu dans la diplomatie, personnage considérable par le rang social et la valeur personnelle, gagnait si promptement, à peine arrivé en Russie, les sympathies de Nicolas Ier que ce prince dont les armées comprenaient déjà plusieurs officiers français, l’invitait à l’accompagner dans la campagne qu’il entreprenait contre la Turquie, en faveur de la Grèce, de concert avec la France et l’Angleterre. Campagne mémorable dont la victoire navale de Navarin a été le plus retentissant épisode, et qui fut complétée par l’expédition de Morée où les Français se couvrirent de gloire sous les ordres du général Maison et délivrèrent le peuple hellène du joug ottoman.

Cette guerre contre les Turcs avait été précédée d’une guerre contre la Perse, non moins heureuse dans ses résultats. Victorieux