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dans l’une et dans l’autre, le jeune empereur de Russie, secondé dans son action gouvernementale par son chancelier Nesselrode, semblait destiné à tenir dans le monde une place non moins prestigieuse que celle qu’y avait occupée son illustre frère Alexandre.

On le voit alors s’intéresser autant à ce qui se passe en France qu’à ce qui se passe en Russie. Bien qu’il n’existe entre le cabinet de Paris et le cabinet de Pétersbourg aucun traité formel d’alliance, il tient le roi de France « pour un ami et un allié. » Il dit en en parlant : « Aucun souverain, excepté le roi de Prusse, ne m’a été aussi fidèle que lui. » Pour reconnaître efficacement cette fidélité, il ne perd aucune occasion de prodiguer des conseils à Charles X, de s’associer aux joies et aux peines de la dynastie des Bourbons. Lorsqu’il apprend que le vieux Roi rêve de confier le pouvoir à Polignac, il enjoint à Pozzo di Borgo, son ambassadeur à Paris, de représenter au souverain français « combien offre de dangers la marche imprudente qu’il a prise ; » il l’adjure de « respecter la Charte et de se souvenir des institutions qu’il a jurées. » Lorsqu’un peu plus tard, il a connaissance de l’expédition d’Alger, il applaudit à la résolution royale ; il met au service du gouvernement français un officier de haute valeur qui « connaît bien les Arabes et pourra fournir de très utiles indications. » Le jour où la nouvelle de l’entrée de nos troupes dans la capitale du Dey parvient à Saint-Pétersbourg, — c’est le 28 juillet — il ne se tient pas de joie, non seulement parce que dans la prise d’Alger il voit un coup porté à la puissance maritime de l’Angleterre, mais plus encore parce qu’il y voit un accroissement de celle de la France dans la Méditerranée.

A cette date, le duc de Mortemart étant en congé à Paris depuis quelques semaines, l’ambassade était dirigée par le premier secrétaire, le baron de Bourgoing, nommé chargé d’affaires. Le 30, il est mandé par l’empereur qui s’impatiente de manquer encore de détails sur l’événement qui vient de s’accomplir. Il lui demande s’il en a reçu de nouveaux : Bourgoing répond négativement :

« Dès que j’aurai quelque chose moi-même, je vous le ferai communiquer, » promet l’empereur. Puis, faisant allusion à un entretien que le chargé d’affaires a eu la veille avec le comte de Nesselrode, il continue : « Mais, dites-moi, quelles