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sont les idées positives du Roi sur les démarches qu’il désire être faites par mon ministre en Turquie ?

— Sire, les ordres que j’ai reçus se bornent à me prescrire de demander à Votre Majesté de faire donner à sa mission de Constantinople des instructions qui lui permettent de s’entendre avec le général Guilleminot [1] et de continuer à préparer la Porte à se prêter aux arrangemens qui pourraient lui être proposés.

— Il faut cependant, reprit l’Empereur, que je sache dans quel sens et sur quelle base doit agir mon intervention.

— Sire, les intentions du Roi sur les points de détail de cette grave question ne sont pas encore connues. Plusieurs idées pourront être mises en avant et discutées ; mais le ministre de Sa Majesté ne m’a jusqu’ici fait connaître aucun des partis qui peuvent être pris relativement à Alger. Je sais seulement que l’avis ouvert par le général Pozzo di Borgo, de faire intervenir la Porte dans cette question, a été adopté. C’est à cet effet que je suis chargé par le Roi de recourir à l’intervention amicale de Votre Majesté et de lui exprimer le désir de voir le ministre impérial à Constantinople s’unir d’intention et de langage avec l’ambassadeur du Roi.

— Ah ! s’il ne s’agit, pour le moment, que de cette instruction générale de bonne intelligence avec les missions françaises, répond l’Empereur avec animation, je puis vous garantir, et vous pouvez le redire au Roi, que M. de Ribeaupierre [2] l’a déjà et que, de plus, elle est donnée à tous mes ministres. »

Il résulte de ce bref entretien qu’à la date où il eut lieu, c’est-à-dire le 30 juillet, l’empereur Nicolas était tout à la dévotion du roi de France et disposé à lui rendre autant de services qu’il serait en son pouvoir de le faire. Mais, à cette date, après trois jours de combats dans les rues de Paris, entre la garde nationale et les troupes royales, alors que le sang français, répandu par la faute de Polignac, rougissait encore le pavé des rues, l’insurrection provoquée par les Ordonnances du 25 triomphait de toutes parts, aux cris de : « Vive la Charte ! A bas les ministres ! A bas les Bourbons ! » Un gouvernement provisoire, présidé par La Fayette, se créait à l’Hôtel de Ville et, sans se préoccuper de Charles X, proclamait lieutenant-général du

  1. Ambassadeur de France en Turquie.
  2. Chargé d’affaires de Russie à Constantinople.