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le désir de voir l’ambassade de France, qui n’est plus gérée que par un chargé d’affaires, pourvue d’un titulaire ; il souhaite qu’on lui envoie le duc de Mortemart qui a représenté Charles X à Saint-Pétersbourg et qui se rallie au gouvernement de Louis-Philippe. Mais Mortemart voudra-t-il revenir ? Le général de Sainte-Aldegonde en donne l’assurance à l’empereur.

— Que le roi me l’envoie donc, reprend Nicolas ; ce sera une attention personnelle à laquelle je serai très sensible.

Dans quelle mesure son langage était-il sincère ? Est-ce « au caractère personnel de Louis-Philippe, à ses vues sages et généreuses » qu’il faut attribuer le changement qui s’était produit dans la mentalité de l’Empereur ? Si ses dispositions étaient devenues à ce point différentes de celles dont Bourgoing avait été le confident, n’est-ce pas plutôt parce que sa politique de principe venait d’être partout mise en échec ? Ses alliés n’avaient-ils pas refusé de s’associer à ses tentatives et n’avaient-ils pas reconnu le gouvernement royal ? Si Nicolas eût persisté dans son intransigeance, n’aurait-il pas été seul de son avis ? D’ailleurs, eût-il été prudent d’offenser la France, alors que la Pologne insurgée se tournait vers elle pour obtenir de l’argent, des munitions, des armes, voire des soldats et qu’en réponse à ces demandes le Cabinet des Tuileries, d’accord avec l’Angleterre, refusait d’intervenir dans cette tragique querelle autrement que comme médiateur, bien qu’il fût poussé à une intervention militaire par l’attitude belliqueuse de la presse et de la population de Paris ? Il semble bien que voilà tout le secret de la métamorphose apparente et momentanée de Nicolas Ier. Ce qui justifie cette opinion, c’est la preuve faite, ainsi qu’on le verra plus loin, que, quoi qu’il en eût dit, il ne pardonna jamais à Louis-Philippe d’occuper la place du Duc de Bordeaux et au peuple français d’avoir formé des vœux en faveur de l’insurrection polonaise.

Cette insurrection a eu de trop nombreux historiens pour qu’il y ait lieu d’en décrire après eux les péripéties. Mais nous devons en retenir ce qui dévoile dans le souverain russe un autocrate que toute résistance à sa volonté exaspère jusqu’à la fureur, jusqu’à étouffer en lui le sentiment de pitié et de miséricorde que lui suggèrent parfois les infortunes d’autrui.

A la première nouvelle du mouvement séditieux de Varsovie et quand la lenteur des communications ne permet pas encore