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Devant le caractère imprévu de ces événemens qui déjouaient toutes ses prévisions et offensaient ses principes, on s’étonne de voir ses dispositions envers la France s’améliorer et de l’entendre parler du roi des Français avec une modération à laquelle ses auditeurs n’étaient pas accoutumés. Recevant le 30 décembre un général français, le marquis de Sainte-Aldegonde, qui, dans les rangs de l’armée russe, s’était battu contre les Turcs, il daignait lui expliquer pourquoi son langage, si malveillant et si sévère au lendemain de la révolution de Paris, s’inspirait maintenant de plus de modération et de bienveillance.

« Mes sentimens et mes principes, disait-il, ne me permettaient pas, dans le premier moment, de voir autre chose qu’une révolution dans la chute du trône de la branche aînée des Bourbons et la violation du principe de la légitimité dans l’abandon des droits du jeune Duc de Bordeaux. Depuis, la connaissance plus approfondie des faits et la certitude acquise que Louis-Philippe, en saisissant les rênes de l’État, avait été exempt de toute ambition personnelle et n’avait eu pour but que de sauver la France de la plus cruelle anarchie, qu’il faisait à son pays le sacrifice de la position la plus heureuse et de ses goûts les plus chers, en acceptant une royauté orageuse, ont modifié mes premières impressions, et j’ai dû rendre justice à la sagesse et aux hautes qualités du Roi. J’ai reconnu son gouvernement avec quelque peine, j’en conviens ; mais un parti-pris chez moi est irrévocable, et Louis-Philippe, Roi des Français, est maintenant pour moi ce qu’était Charles X. Que la France continue à se montrer modérée, que son gouvernement prenne des forces, c’est mon vœu le plus cher, et bien sûrement les relations qui existaient entre les deux Cours se renoueront sous les auspices les plus favorables. »

Il parle longtemps dans ce sens, il affirme qu’il n’a jamais songé à intervenir dans les affaires de la nation française, affirmation qu’il dément lui-même en ajoutant aussitôt « que, membre d’une alliance contractée entre les diverses Puissances de l’Europe pour la conservation de l’ordre établi, il eût été obligé d’intervenir, même par la force des armes, contre ceux qui l’auraient mis en danger. » Il se félicite d’avoir à constater que la sagesse du roi a écarté cette terrible éventualité ; et il espère que ce péril est définitivement conjuré. Enfin, il exprime