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Roi, pour conjurer les périls qui le menaçaient, « devrait faire un Dix-huit brumaire. » Nicolas applaudissait donc à la conduite du prince-président. Mais cette période d’enthousiasme ne dura pas. La proclamation de l’Empire y mit fin. Ce n’est pas qu’il blâmât Louis-Napoléon d’avoir ambitionné la couronne ; quoique lui-même ne désavouât pas ses principes légitimistes, il faisait maintenant bon marché du Comte de Chambord, le jugeait impossible, voire dangereux : « S’il dépendait de moi de le mettre sur le trône, je ne le ferais pas. Non, Napoléon me convient mieux que tout. » Mais il s’offensait de la prétention du nouvel Empereur de continuer la dynastie napoléonienne ; il lui reprochait de s’être appelé, dans son message au Sénat, Napoléon III, au lieu de Louis-Napoléon, empereur des Français. C’est Castelbajac qui reçut le paquet ; il dut écouter l’argumentation quasi puérile que lui développa l’Empereur pour justifier ses plaintes.

« Je vous avoue que j’ai été péniblement affecté des termes du message au Sénat. Nous sommes les anciens et, à ce titre, on nous doit quelques égards, quelques ménagemens. Napoléon Ier nous a attaqués et forcés à nous défendre. Mon frère, l’empereur Alexandre, a glorieusement combattu pour l’indépendance de son pays et, si je donnais mon adhésion sans restriction aux termes du message, je renierais donc les actes de mon frère et des souverains ses alliés. L’Autriche, la Prusse, l’Angleterre même ne peuvent supporter pareille injure. J’avoue que plein de confiance dans la haute raison et le jugement ferme du prince-président, je ne m’attendais pas à une semblable déclaration de principes ; j’ai toujours été son partisan, et il ignore encore les services que je lui ai rendus. A Vienne, j’ai trouvé, il est vrai, une opinion semblable à la mienne ; mais, à Berlin, ma tâche a été plus difficile. Maintenant, quand toutes les difficultés étaient aplanies, toutes les susceptibilités éteintes, toutes les craintes dissipées, voilà que tout semble remis en question par les termes de ce malheureux message. »

Le gouvernement français, à qui ce discours avait été transmis, le releva avec une fierté dédaigneuse en rappelant que le rétablissement de l’Empire était une affaire intérieure dont la nation française avait seule le droit de se mêler. D’autre part, l’Autriche, la Prusse et l’Angleterre fermaient l’oreille aux exhortations de Nicolas, et, à la date du 1er janvier 1853, les