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aux casernes de leur patrie d’origine, tout concourait, en privant les États-Unis d’une armée redoutable, à les soustraire au danger de s’en servir sans nécessité. En revanche, ils étaient placés à merveille pour profiter des querelles d’autrui ; riches comme ils sont en matières premières, et bien outillés en manufactures capables de remplacer celles des belligérans temporairement paralysées. Aussi la guerre, depuis sa déclaration jusqu’en avril 1917, semblait-elle être faite tout exprès pour les combler de richesses. Après une courte interruption de trafic, en août 1914, due à l’abstention des bateaux étrangers, accoutumés à charger en Amérique où la marine de commerce était presque inexistante, les peuples de l’Europe vinrent demander aux États-Unis, tous, à l’envi les uns des autres, de quoi vivre, et les belligérans de quoi tuer leurs ennemis.

Jamais les hauts fourneaux de Pittsburg n’avaient fondu autant d’acier, jamais les farmers de l’Ouest n’avaient expédié autant de blé, et jamais les usines à viande de Chicago n’avaient fabriqué autant de conserves. Les industries que la suppression ou l’abaissement des barrières douanières, en 1913, avait jetées dans le marasme, trouvaient dans les commandes de guerre un aliment à leur activité ; le trust des wagons, — American Car, — faisait aussi des obus et des cuisines de campagne ; toute la branche des textiles, celle en particulier du filage et du tissage de la laine, — American Woolen, — menacée la veille de ruine par la concurrence européenne, se voyait du même coup débarrassée de cette rivalité et sollicitée de produire, pour nos civils et nos soldats, des tissus que l’on ne marchandait plus.

L’Amérique aussi avait hérité tous les cliens que l’Allemagne, disparue du marché mondial, et que les autres États en guerre, devenus eux-mêmes consommateurs plus que producteurs, ne pouvaient plus satisfaire. Des industries presque inconnues chez elle, — celle par exemple des produits chimiques et des matières colorantes, — s’étaient créées ; d’autres, jusque-là médiocres et végétantes, comme celle du zinc, du plomb ou des constructions navales, avaient pris un essor subit à la faveur des prix élevés. Quant aux industries déjà prospères, elles grandirent et se développèrent avec une rapidité inouïe : je n’en veux pour preuve que le cuivre, dont les États-Unis en 1913 extrayaient à eux seuls déjà plus que tout le reste de l’univers ; or leur production, en 1916, avait augmenté de 60 pour 100