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L’ÉLECTION DE LITTRÉ
À
L’ACADÉMIE FRANÇAISE

LETTRES INÉDITES

Il y a eu peu de candidatures aussi accidentées que celle d’Emile Littré à l’Académie française. Ce rare savant qui était à la fois médecin, publiciste, philologue et philosophe, et avait été élu, en 1839, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, s’était, en 1863, sur le conseil de ses nombreux amis, porté candidat au fauteuil de l’illustre physicien Biot.

Ses titres à cet honneur étaient la traduction des œuvres d’Hippocrate et de Pline, l’histoire de la langue française et le grand Dictionnaire entrepris par lui, qui devait être l’ouvrage philologique le plus considérable du XIXe siècle. Ses adversaires, tout en reconnaissant son immense érudition et sa science consommée, lui reprochaient la traduction avec commentaires favorables de la Vie de Jésus par Strauss, ses écrits sur la philosophie positive, les aphorismes du dictionnaire de médecine de Nysten continué et remanié par lui, l’éloge passionné d’Auguste Comte. Entre tous celui qui voyait dans ses doctrines un danger pour la société et pour la jeunesse française fut, on se le rappelle, Mgr Dupanloup. L’évêque d’Orléans, qui menait depuis longtemps une lutte ardente pour la défense du spiritualisme, avait lu avec attention les œuvres philosophiques de Littré. Sans méconnaître le caractère intègre de l’homme, sa