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par là même encouragé dans sa polémique contre ceux qu’il considérait comme des révolutionnaires et notamment contre Littré. « M. Cousin, dit-il alors, voit bien que le spiritualisme est ici en cause, autant que le christianisme. La liberté de conscience ne doit arrêter personne et chacun est maître de son vote et de servir ses idées... M. Cousin m’a fait douze argumens pour me démontrer qu’il fallait publier, non après l’élection, mais avant. »

Alors l’évêque se met en campagne. Il multiplie les visites chez ses confrères ; il discute longuement avec eux ; il leur adresse des lettres pressantes... Il voit M. Thiers et lui fait connaître toutes ses raisons d’agir. Ce n’est pas une simple attaque contre un homme qu’il entreprend, c’est un avertissement solennel qu’il veut donner aux pères de famille et à la jeunesse en lançant un écrit qui défendra les vérités naturelles et fondamentales qui constituent la raison humaine et que protège le christianisme. Ce n’est pas seulement la religion antique de la France qui est menacée ; c’est la société elle-même. Comment se tairait-il au moment où l’un de ceux qui ont le plus employé leur parole et leur autorité à détruire chez les Français toute foi et toute vraie morale, prétendait recevoir de l’Académie le plus éclatant honneur ? Comment s’effacer, disait-il, quand ces doctrines, au lieu de rester solitaires et cachées dans l’âme de ceux qui les avaient conçues, étaient répandues non seulement dans les livres destinés à l’instruction de la jeunesse, mais professées dans des cours publics et parvenaient à tous par la voie de la presse ? On lui reprochait de s’attaquer à des hommes considérables, à des savans célèbres et de ne pas tenir assez compte de leur autorité. C’est justement à cause de leur réputation, de leur célébrité même, que l’évêque considérait qu’il y avait pour lui un devoir d’intervenir. Des écrivains sans nom n’auraient mérité que le silence. Et rappelant l’action énergique de Bossuet dans une des grandes controverses du xvii^ siècle, Mgr Dupanloup citait ce mot de Louis XIV à Bossuet : « Qu’auriez-vous donc fait si j’avais pris parti contre vous ? » Et l’évêque de Meaux avait hardiment répondu : « Sire, j’aurais crié cent fois plus fort ! »

Voilà quel était pour l’évêque d’Orléans le vrai mot de la conscience et du devoir. Plus ses adversaires avaient de titres