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plus brillans on peut être exclu de l’Académie à cause de ses opinions et qu’on peut y être admis sans avoir l’ombre d’un titre littéraire. »

Cette réflexion était bien dure pour le comte de Carné qui, s’il n’avait pas la notoriété scientifique de Littré, avait cependant écrit, comme je l’ai rappelé, de bons livres d’histoire.


Huit ans s’écoulèrent, et la candidature de Littré, soutenue cette fois par Guizot, reparut à l’Académie française. Le Grand Dictionnaire de la Langue française était presque terminé et de toutes parts s’élevaient des éloges au sujet de cette œuvre si considérable et si utile. En France, en Europe, dans le monde entier, on le regardait comme un monument de savoir parfait, comme un instrument inappréciable de recherches et de renseignemens. Or, c’était au fauteuil de Villemain que Littré prétendait cette fois, et ses chances étaient telles que ses rivaux, Saint-René Taillandier et de Viel-Castel, n’allaient à la bataille qu’avec un bien faible espoir de succès. Mgr Dupanloup rompit alors le silence qu’il avait gardé depuis 1863 et, le 26 décembre 1871, prit part à la discussion des titres... Il regrettait tout d’abord d’être encore une fois en dissentiment avec M. Thiers, dont il appréciait plus que jamais l’autorité et les services. Il dit que les relations qui s’étaient établies entre lui et M. Littré, il y avait huit ans, lui avaient laissé pour son caractère et sa personne une estime et une affection qui lui avaient fait éviter de prononcer désormais son nom dans ses luttes continuelles en l’honneur de l’Église. Il avoua qu’il était très peiné d’avoir à combattre encore, mais les erreurs de Littré étaient restées les mêmes et, qui plus est, elles étaient aggravées en raison des événemens. Il devait combattre en lui l’athéisme, le matérialisme et le socialisme qui n’étaient après tout qu’une propagande infatigable au profit de doctrines néfastes et une guerre permanente contre les vérités premières, sans lesquelles aucune société ne pouvait vivre. Il citait de nombreux passages d’écrits récens de l’auteur. Peu importait que la France fût républicaine ou monarchiste ; il ne fallait pas que le pays, qui venait d’éprouver de si fortes secousses, descendit plus bas qu’il n’était jamais descendu. Ce serait donner un encouragement à des erreurs funestes que de faire de leur