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à lire, en même temps que ses poètes favoris, des pages de l’Imitation : « Vous-même vous trahissez, malgré vous, cette inquiétude de jeune homme auquel tout ce qu’il voit et tout ce qu’il louche né saurait suffire, lorsque, dans de beaux vers, vous invoquez la Terre à défaut d’autre divinité et vous vous désolez de ne rencontrer que des soleils sans nombre,


Perdus dans les royaumes
Et du vide et du froid ! »


Et l’orateur citait Shakspeare qui disait par la voix d’Hamlet à Horatio : « Il y a plus de choses au ciel et sur la terre que n’en peut rêver votre philosophie ! » Il ajoutait : « A plus forte raison votre biologie et votre philologie. Cette Vérité impalpable qui ne se révèle pas dans le laboratoire du chimiste, cet X que jamais recherche expérimentale ne parviendra à dégager, nous, plébéiens de la science, nous le connaissons et nous l’appelons Dieu. » M. de Champagny s’appuyait à cet égard sur Newton, Euler, Descartes, Leibnitz, Pascal, Linné et sur des savans plus modernes, tels que Cuvier, Ampère, Biot, Blainville, Flourens, Récamier, c’est-à-dire sur les plus grands hommes de science qui protestaient contre les doctrines d’Auguste Comte. Il terminait son discours par un appel à la recherche du Vrai et du Bien et s’écriait aux applaudissemens répétés de l’assistance : « Assez d’humiliations et de doutes, assez de rancunes non satisfaites, de passions haineuses !... Laissons cela ! Aimons tout ce qui est fait pour nous ennoblir et nous relever ! Ne craignons pas que notre horizon soit trop vaste, notre Ciel trop lumineux et trop pur !... De trop de côtés on nous dit : « Les cœurs en bas ! » Écoutons toutes les voix qui nous disent : « Sursum corda ! Les cœurs en haut ! » C’est sur l’éloge du spiritualisme, le plus élevé et le plus émouvant, que se termina la réception de Littré.


HENRI WELSHINGER.