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deux chemises et un manteau. Les caleçons, gilets de flanelle, bretelles, ceintures de flanelle et sous-vêtemens leur seront retirés, les boucles de ceinture des pantalons coupées.

Les bretelles ou ceintures ne leur seront remises qu’au départ pour le travail et, le soir, seront rendues au chef de poste.

Les prisonniers ne bénéficieront du repos hebdomadaire, le dimanche après-midi, que si les circonstances le permettent.

Le général Lyautey faisant ouvrir au Maroc, à Casablanca, les boîtes de conserves des prisonniers allemands, il en est fait de même à Munster pour les paquets des prisonniers de guerre français.

Ils ne recevront aucun mandat-poste et il ne leur sera toléré que 4 mark par semaine. Ils pourront acheter du tabac, des cigarettes et du papier à lettres.

Ils ne devront posséder ni brosses, ni glace, ni rasoir, ni livres, ni instrumens de musique. Il leur sera interdit de rire, de chanter, de siffler, de regarder en l’air, d’avoir des entretiens et des conversations amicales, de se promener par deux.


Tel est ce règlement barbare, conçu, élaboré, porté à son point de perfection, avec des raffinemens de tortionnaires méticuleux, par des hommes qui se prétendent civilisés. Je me borne à dire qu’il nous a été appliqué à la lettre.

Maintenant, nous faisons les foins. Dans ces prés humides, il y a des grenouilles ! Un cri : « Oh ! la belle ! » Une a sauté dans nos jambes, au bout de nos râteaux. Toutes les mains voisines se lancent à terre avidement ; la grenouille est vite prise. Par les deux pattes de derrière, malgré ses tressants, on l’assomme au bout du soulier ; puis, coupée en deux d’un coup de lame, sur le manche de bois du râteau, qui dégouline de sang. Les sentinelles font les dégoûtées, mais notre faim n’hésite plus devant rien...

Chaque jour, nous partons à l’aube et rentrons dans la nuit, ayant, sans arrêt, retourné et chargé le foin sur les voitures, allant de champ en champ. Le régisseur allemand est sans cesse sur notre dos, pour accélérer la besogne, stimuler les sentinelles : il faut à tout prix et sans retard rentrer la moisson. Jusqu’à la fin de la fenaison, nous travaillerons aussi les dimanches et tous les soirs jusqu’à huit heures, s’il est nécessaire.

27 juillet. — Avec nos barbes incultes et nos longs cheveux.