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et l’y trouve. L’esprit d’abord abonde en notre vieille musique : esprit de finesse, qui ne ressemble pas plus à la verve emportée et parfois grandiose de l’opéra-bouffe italien, qu’à la « blague, » — excusez le mot, — de notre moderne opérette. Dans Rose et Colas, les deux airs de la vieille, le quintette final, sont délicieux de malice. Joconde pétille de traits spirituels, et qui le sont musicalement, je veux dire par la grâce ou la vivacité d’un tour mélodique, d’une intonation, d’une cadence, en un mot, par la musique même. C’est une phrase du comte Robert, acceptant bravement la gageure libertine et réciproque qui fait toute la pièce : « Ma maîtresse sera fidèle, et la sienne va m’écouter. » Petite, oh ! toute petite phrase, de peu de mesures, mais si bien partagée, et suspendue un moment entre le ton d’une tendresse confiante et celui d’une aimable fatuité. Plus loin, dans Joconde encore, c’est le quatuor, à rentrées symétriques, pudiquement et plaisamment imité de la scène, à quatre personnages aussi : trois amoureux pour une seule amoureuse, du conte de la Fontaine. Enfin c’est l’intonation de Jeannette, la rosière probable de demain, sur les derniers mots, insinuans, de certains couplets : « Ma mère et le bailli sont bien, Et je crois que j’aurai la rose. » Dans un genre plus récent, moins relevé, rappelons-nous une autre candidate au même honneur, la sympathique Boulotte, de Barbe-Bleue. Là, pour le choix d’une rosière, le roi Bobèche et le comte Oscar ont décidé qu’on tirerait au sort. Et cela permet à l’aimable fille de déclarer à ses concurrentes avec un robuste bon sens :


Mes titres valent bien les vôtres ;
C’ t’ honneur qu’vous désirez si fort,
Pourquoi q’ j’ l’ aurais pas comm’ les autres,
Puisque ça doit s’ tirer au sort !


Même cordialité, même franchise ici dans la musique et dans les paroles. Et même situation, — à peu près, — que celle de Joconde ; à ceci près cependant, que, pour ou contre Boulotte, le hasard seul décidera, tandis que Jeannette a d’autres garanties, d’autres « raisons de croire. » Elle le sait bien, la petite rusée, et la musique, encore mieux que les paroles, nous le fait savoir. Ainsi, qui l’aurait cru ! c’est l’opérette qui montre le plus vif souci de la morale, et c’est dans une phrase de l’opéra-comique que la musique a mis le plus de spirituelle et grivoise ironie.

« Piccolo mondo... » Les sentimens, plutôt que les passions, l’animent. Il peut bien arriver que la musique d’un Grétry, d’un