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sorte d’elle-même : la chanson. Comment Beaumarchais pouvait-il écrire, en 1775 : « Notre musique dramatique ressemble encore trop à notre musique chansonnière, pour en attendre un véritable intérêt ou de la gaieté franche. » Cette ressemblance, au contraire, faisait alors et devait faire encore longtemps, tantôt la gaité franche et tantôt le véritable intérêt de l’opéra-comique. S’il n’est pas vrai non plus, quoi qu’en dise le même Beaumarchais, qu’en France, tout finisse par des chansons, la scène française du moins résonne à tout moment de refrains, de couplets délicieux. La chanson de Rose et Colas : « Il était un oiseau gris, » est une chose adorable. Autant qu’un chef-d’œuvre de musique dramatique, Richard en est un de « musique chansonnière ». « Quand les bœufs vont deux à deux, » chanson de labour et de plein vent ; chanson, le duo syllabique, mot à mot et note à note, de Blondel et de Laurette : « Un bandeau couvre les yeux Du dieu qui rend amoureux. » Chanson toujours, les couplets de Blondel : « Que le Sultan Saladin... » Mais cette fois, — est-ce le nom seul de ce prince d’Orient, est-ce le mode mineur, est-ce telle ou telle cadence ? — cette fois, à la rondeur du thème populaire vient se mêler, vague et pourtant sensible, un charme de poésie, de mystère, que dissipe à peine la rude gaîté du refrain. Elle va loin, cette petite chanson, et jusque sur l’épilogue instrumental qui la reprend, la développe, et termine l’acte, elle étend comme une ombre de rêve et de mélancolie. Enfin, de même qu’on s’accorde, — avec raison, — à tenir pour un des chefs-d’œuvre de la musique de théâtre, pour l’un des plus émouvans et des plus humains, la fameuse mélodie : « Une fièvre brûlante, » il est également certain que par sa simplicité, par sa naïveté même, l’immortelle « romance » n’est guère autre chose qu’une sublime chanson.

« Piccolo mondo... » Peu de musique, et par les moindres moyens, suffit pour le représenter, a Soyons forts de vérité, disait Grétry , l’orchestre fournira toujours au gré de nos désirs. » C’est ce qu’a très bien compris M. le directeur du Trianon-Lyrique. Nous le remercions de nous avoir donné, ou rendu, l’orchestre original de Richard Cœur de Lion, et non point revu, corrigé et augmenté par Adolphe Adam. « Je voudrais, lisons-nous encore dans les Essais de Grétry, je voudrais que la salle fût petite. » Félicitons-nous également que, par ses dimensions, la salle du Trianon-Lyrique réponde aux vœux et convienne aux modestes chefs-d’œuvre du grand musicien.

Modestes et discrets, voilà bien les chefs-d’œuvre, tous les chefs-d’œuvre de notre ancien opéra-comique. L’art dont ils sont les types accomplis, cherche sa perfection dans le tempérament, dans la mesure,