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Ces « petites Conventions, » ces « petits tribunaux révolutionnaires » à l’usage de la jeunesse, constituaient le cours d’« éducation civique, » grande découverte, tout récemment faite, à ce qu’on imaginait, du moins ; en quoi on se leurrait, car, près d’un siècle auparavant, Mme de Maintenon n’avait point négligé d’instruire ses élèves de la soumission que l’on doit au gouvernement et aux représentans de l’autorité. Elle avait écrit, sur ce sujet, des pages dont la lecture, à l’heure actuelle, ne nous serait pas inutile, et dont on aurait pu imprimer certains passages sur les formules destinées à la déclaration de l’impôt sur le revenu ; elle dit, par exemple : « Le besoin général de l’État est celui de chaque particulier, qui ne peut être en sûreté dans sa maison si on ne nous garde de nos ennemis ; et on ne peut nous en garder sans avoir de quoi faire subsister les troupes nécessaires à ce dessein ; à quoi il est très juste que chacun contribue, puisque chacun y est intéressé. On convient assez volontiers de ce raisonnement, on le fait même aux autres à l’occasion ; mais quand il est question d’en venir à la pratique, personne ne veut porter la charge, et on n’épargne rien pour en exempter ses terres[1]. »

En 1793, l’éducation civique est moins réservée : elle saisit l’enfant à sa naissance et l’affuble de prénoms grotesques : on « baptise » les garçons Petion, Marat, ou Brissot ; des pères prénomment leurs filles Pique, Montagne ou Betterave. Un patriote parisien place son fils sous le vocable de sa section et l’appelle Alexandre-Pont-Neuf ; le ministre Lebrun nomme sa fille, née le 11 novembre 1792, Civilis-Victoire-Jemmapes-Dumouriez[2]. Ce qu’on fait admirer de la Révolution aux écoliers, ce n’est pas ce qui est admirable, l’effort contre l’étranger, mais ce qui est odieux et répugnant, la persécution contre les partisans du passé ; certains énergumènes les élèvent dans le culte de l’échafaud : à Rennes, tandis qu’on traque Lanjuinais proscrit, « un maître de pension conduit ses écoliers, lorsqu’il est content d’eux et à titre de récompense, sous les fenêtres de Mme Lanjuinais, où ils installent de petites guillotines que leur instituteur leur a distribuées et qu’ils manœuvrent durant

  1. Conseils et Instructions, I, 67-69. Cité par P. Rousselot, Pédagogie historique.
  2. Frédéric Masson, Le département des affaires étrangères pendant la Révolution, p. 278.