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maisons de bois, avec des arbres coupés dans les forêts riveraines du Saint-Laurent, sur les bords inexplorés du pays qui devait s’appeler la Nouvelle-France.

C’est aux enfans des régions dévastées que se consacre principalement, ici, la bienfaisance américaine. Une touchante prédilection incline vers la faiblesse du premier âge l’énergie agissante de nos amies d’outre-mer. Telle miss qui semblait, jusqu’ici, se passionner uniquement pour des matches de basket-ball ou de lawn-tennis, se dévoue maintenant, avec une assiduité maternelle et une sollicitude exemplaire, à l’entretien et aux progrès des pauvres babies cruellement éprouvés par les misères d’une guerre affreuse. Rien ne doit être négligé pour que ces chers petits puissent désormais se développer dans les meilleures conditions d’hygiène morale et physique. Deux des jeunes filles de Smith College, venues à Grécourt en mission volontaire, ont fait des études médicales. Aussi ne craignent-elles point d’entrer dans le détail de la cure qu’elles ont entreprise.

— On a commencé premièrement, dit l’une d’elles, par laver à grande eau et nettoyer à fond les têtes. Elles avaient besoin d’un bon shampooing.

L’hydrothérapie, les excellentes pratiques de la douche et du tub ne sont pas tout à fait des nouveautés en France. Le trouvère inconnu qui rima la vieille chanson de Raoul de Cambrai, laquelle remonte pour le moins au siècle de Louis le Gros et de Philippe-Auguste, n’a pas manqué de narrer les baignades et nettoyages auxquels on astreignait, bon gré mal gré, les damoiseaux de ce temps-là. Mais, si le châtelain du XIIe siècle, entre les murs épais de sa tour à créneaux, dans sa chambre enluminée de verrières peintes, ne négligeait pas de mettre au nombre des pièces de son mobilier domestique une aiguière ou même, selon l’habitude soigneusement notée par les inventaires et les comptes d’autrefois, un « bacin à laver la teste, » afin de procéder aux ablutions salutaires, après les fatigues de la guerre, de la chasse ou des tournois, il faut avouer que Jacques Bonhomme et sa postérité, bonnes gens de labour ou de métier, ignorèrent trop longtemps l’art de faire servir l’eau pure à la conservation de la santé humaine. Soyons reconnaissans à ceux, à celles qui viennent d’outre-mer pour dire affectueusement aux paysans de France qu’ils auraient tort