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des vestiges épars au milieu d’une esplanade que longe un fossé à peu près comblé. C’est parmi ces pierres historiques, martelées et disjointes au temps de la Révolution, que les dames de la « section civile du Comité américain pour les blessés français (American Fund for Frerich Wounded) » ont établi leurs bureaux, leurs magasins, leur dispensaire et leurs cantonnemens.

L’œuvre de ces dames de Blérancourt, aussi intelligentes que dévouées, ressemble à un ministère qui serait géré par un petit nombre de personnes, travaillant beaucoup. La présidente de leur conseil d’administration est Mrs. A. M. Dike, affectueusement secondée par miss Anne Morgan, de New-York. Ces noms suffisent à indiquer la qualité de l’élite où se sont recrutées les bonnes volontés qui se sont groupées pour travailler dans les ruines du château des marquis de Gesvres. On me raconte qu’au moment où les dames de Blérancourt cherchaient parmi ces pierres vénérables et branlantes un emplacement favorable à la construction de leurs baraques de guerre, un de nos soldats d’infanterie territoriale, piochant et bêchant la terre, aperçut, dans le pêle-mêle des mottes et des herbes retournées par son labeur, quelque chose qui brillait. C’était un beau louis d’or, tout neuf, à l’effigie du Roi-Soleil. Ce témoin étincelant du passé avait dormi là, pendant plus de deux siècles, comme une relique de la demeure seigneuriale qui fut saccagée par les contemporains de Saint-Just. Et maintenant, il se réveillait, il sortait des profondeurs de l’histoire, pour apporter le salut de la vieille France à la jeune Amérique.

Miss Gertrude Folks, de New-York, graduée de Vassar College, est chargée, ainsi que miss Caroline Duer et miss Sue Watson, de la gestion des magasins et ateliers du château de Blérancourt. Cette jeune fille a de qui tenir : son père, M. Homer Folks, directeur de service des affaires civiles de la Croix-Rouge américaine, est, depuis plus de vingt années, l’un des chefs de tous les mouvemens de bienfaisance, d’éducation et d’hygiène sociale de l’État de New-York. Elle veut bien nous montrer ses provisions d’hiver : des amoncellemens de boîtes de fer-blanc, contenant le maffed milk, les tomatoes, les Spinng Beans de Californie, les Beans with Pork, le poulet en gelée, le Corned Beef, toutes les viandes que l’industrieuse Amérique excelle à comprimer, à réfrigérer, à mettre en bâtons ou en boulettes afin de satisfaire les appétits aiguisés par un long