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UNE
PREMIÈRE SOUS LES GOTHAS


Leur troupeau lourd et rapide.
Volant dans l’espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

V. H.


Les Gothas nous font des représentations de théâtre qui ne sont pas ordinaires. On a, en plein Paris, des impressions de théâtre aux armées. En entrant dans la salle, on se demande : Viendront-ils ?

Ils ne sont pas venus pour Lucrèce Borgia. Dispensons-nous donc d’insister sur l’entrée de ce vieux mélo à la Comédie-Française. La cause du théâtre de Victor Hugo est jugée depuis longtemps. Dans les drames en vers, la beauté de la forme couvre tout de son manteau magnifique. Donc que la Comédie-Française joue, le plus souvent qu’elle pourra, Hernani et Ruy Blas ! Qu’elle joue même Marion Delorme pour les vers d’amour de Didier, et même le Roi s’amuse pour les imprécations de Saint-Vallier ! Qu’elle donne les Burgraves, non comme une pièce de théâtre, mais comme une récitation épique ! Mais qu’elle laisse de côté toutes les pièces en prose de Victor Hugo : qu’elle les ignore ! Nous réclamons pour ces méchantes pièces l’oubli auquel elles ont droit, et qui est la seule forme de la piété envers le génie du poète que nous admirons.

Dans la même quinzaine où elle avait monté Lucrèce Borgia avec un luxe inutile, la Comédie-Française nous conviait à entendre les Noces Corinthiennes. Donc, le lundi soir 11 mars, nous écoutions l’œuvre harmonieuse et violente où M. Anatole France dit son fait au Dieu des chrétiens. Une fois de plus les merveilleuses qualités de l’artiste, les grâces de son style et la perfection de ses vers nous