Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

royaumes, des duchés ! » Elle répond : « La paix ! du pain, du pain ! » En Allemagne même, et même officiellement, on commence à parler « du dernier quart d’heure. » Hindenburg, Ludendorff, n’ont plus que cette minute pour enlever la paix qu’ils veulent ; s’ils ne l’enlèvent pas, l’Allemagne acceptera la paix qu’elle pourra.

De notre côté, oserons-nous dire que nous souffrons, que nous manquons de quoi que ce soit ? Assurément, nous sommes éprouvés dans les plus hautes et les plus nobles parties de nous-mêmes ; assurément, nous souffrons dans notre cœur, dans notre chair, ou dans la chair de notre chair. Mais, pour souffrir, au sens de manquer, nous ne souffrons pas. Certaines denrées, qui ne sont pas toutes de luxe, sont rares, sont chères, sont mesurées ; néanmoins, nous n’en sommes pas privés ; et, en termes absolus, nous ne sommes pas privés. Par conséquent, pas de dépression physiologique, qui est le véhicule de l’autre. Et, non plus, pas de dépression, pas de fléchissement psychologique. Au contraire, jamais l’armée n’a montré plus de confiance tranquille en elle-même. Jamais le moral du pays n’a été meilleur. Les ombres, s’il y en avait, ont été dissipées par la ferme attitude du gouvernement, qui, appuyé sur une majorité inébranlable, poursuit au dedans l’œuvre d’épuration douloureuse, mais salutaire, afin de pouvoir, en toute sécurité, en toute sérénité, accomplir au dehors sa tâche essentielle : faire la guerre. Le discours où M. Clemenceau a résumé en ces trois mots sa politique a eu, dans le pays tout entier, et il méritait d’y avoir, le retentissement le plus considérable. Il s’est trouvé exprimer heureusement, et comme frapper en médaille, un moment de la pensée et de la volonté nationale, le désir le plus ardent de l’âme française à son maximum de tension. Elle a tressailli en sentant qu’elle avait enfin la seule chose, nécessaire sinon suffisante, qui lui avait si longtemps manqué, quelque chose qui ressemble d’aussi près que possible à un gouvernement de guerre. « Je fais la guerre : » c’est ce qu’elle a retenu surtout de la harangue vibrante, nerveuse, saccadée, selon sa manière, de M. le président du Conseil. Ce qu’il y a de français dans cette manière même, dans le ton et dans 1er geste, ne pouvait manquer de toucher la France : la race s’y reconnaissait, s’y voyait et s’y entendait.

Dans quoi et en qui la Russie se reconnaîtrait-elle ? Elle vient de toucher le fond de l’abîme. Il n’y avait pas de doute que le Congrès général des Soviets ne ratifiât le traité signé par les commissaires du peuple. Il l’a fait par 704 voix contre 101, et 115 abstentions. Le