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l’indépendance effective de chaque nation et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Entre ces deux volontés, entre ces deux principes, aucune conciliation n’est possible. Il faut que le monde se soumette à l’Allemagne ou que l’Allemagne soit vaincue.

« Les peuples et les provinces, dit le président Wilson, ne doivent pas faire l’objet de marchés entre souveraineté et souveraineté... Tout règlement territorial se rapportant à cette guerre doit être fait dans l’intérêt et au bénéfice des populations intéressées... ; toutes les aspirations nationales bien définies doivent recevoir satisfaction. » Le général Hofmann à Brest-Litovsk, le comte von Hertling devant le Reichstag, répondent : « Nous concluons la paix sur la base du succès de nos armes. » En regard de cette affirmation du « droit du poing » (Faustrecht) et de l’illustration éclatante que lui donnent les faits, il est bien clair que les adhésions de principe, données par la diplomatie allemande au droit des peuples, n’étaient hier et ne pourraient être demain qu’un simple piège tendu à la lassitude des combattans.

L’Empereur, à Homburg, justifie toutes les annexions et toutes les germanisations par la mission providentielle de l’État allemand. « Notre-Seigneur a certainement une idée à lui au sujet du peuple allemand... Ceux qui ont étudié l’histoire savent que le Seigneur-Dieu, en employant tantôt un peuple, tantôt un autre, a essayé de mettre le monde dans le droit chemin. Ces peuples n’ont pas réussi. L’Empire romain s’est écroulé. L’Empire franc est tombé en morceaux. L’ancien Empire allemand a fait de même. C’est à nous maintenant que le Seigneur a confié la grande tâche... Nous serrons la main de l’ennemi battu par les armes et qui lève la main pour se rendre. Mais quant à l’ennemi qui n’accepte pas la paix et s’obstine à verser notre sang et celui de nos peuples, il subira notre contrainte... » L’erreur des Bolcheviki, — de ceux qui furent sincères dans leur folie, — aura été de se fier au peuple allemand pour faire la leçon à ses gouvernans. Ne tombons pas dans les mêmes illusions. Si la forme mystique du discours appartient en propre à Guillaume II, sachons que l’Empereur, quand il affirme le droit du germanisme à conquérir et à dominer, a tout son peuple avec lui. Plus exactement : c’est son peuple qui le pousse dans cette voie.