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justifie tout, l’affirmation constante de la supériorité de la Culture allemande et de son développement nécessaire. En Allemagne, le christianisme lui-même s’est mis au service de l’État et s’est fait allemand[1].

Par là s’explique l’état d’esprit, étrange autant que révoltant chez un civilisé, que constatent toutes les commissions d’enquête sur les « atrocités allemandes » et dont on ne peut retrouver l’équivalent que dans les guerres d’extermination des peuplades primitives. Le but de la guerre n’est plus seulement la destruction des forces organisées de l’adversaire, mais la destruction de l’adversaire lui-même. Le véritable but de guerre de l’Allemagne est de détruire ce qui fait obstacle à la juste expansion de la civilisation allemande, de l’industrie et du commerce allemands de la race, allemande.

Ce ne sont pas seulement deux groupes de nations que la guerre actuelle a mis en présence, ce sont deux civilisations, ou, pour employer ce mot dans le sens le plus large, deux religions opposées ; c’est, d’un côté, un idéal de liberté et de justice humaines, de l’autre une civilisation purement matérielle et fondée sur la force. La lutte ne peut pas finir par un compromis, mais seulement par la défaite d’un des deux partis. Ou le règne du sabre, ou le règne du droit.


Abandonnons le terrain des idées et plaçons-nous sur celui des faits. Pour que nous n’ayons pas combattu en vain, pour qu’il nous soit garanti que la paix future ne sera pas une simple trêve, il est clair qu’un certain équilibre des forces dans le monde est indispensable. S’il y avait une nation supérieure en puissance à toutes les autres, jamais la « Société des Nations » ne pourrait se constituer.

Or, la Russie désarmée semble être pour le moment à qui

  1. « … L’État national allemand n’a pas seulement été adoré. Il a été divinisé… Cette identification de l’État avec le Royaume de Dieu a pour conséquence naturelle que l’augmentation de puissance de l’État apparaît comme le but le plus élevé de l’activité humaine… Après les immenses succès de 1870, en présence d’une force et d’un éclat tels que la nation allemande ne les avait pas vus depuis des siècles, ce culte de l’État est devenu la religion, non seulement des militaires et des fonctionnaires, mais de la plus grande partie des intellectuels, notamment des historiens et des hommes politiques… » — Extrait d’une brochure, parue en 1917, de Frédéric Curtius, conseiller d’État allemand et président de Consistoire, citée par le Journal de Genève du 12 janvier 1918.