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occidental, dans des batailles de tranchées. Nous ne pouvons plus actuellement songer à chercher un terrain libre, pour y reprendre la guerre de mouvement. La tranchée et le fil de fer sont partout. Les positions adverses n’offrent pas d’aile que nous puissions manœuvrer, suivant la tactique de Napoléon ou celle de Moltke. La forme de la bataille, des batailles prochaines, nous est imposée ; ce seront des actions de front, des coups de force contre une ligne fortifiée adverse.

Ici se dressent en face de nous les stratèges en chambre, qui proscrivent toute offensive contre un front fortifié, comme meurtrière et sans résultat. D’après eux, nous n’aurions plus, au point de vue militaire, qu’à attendre l’ennemi. Cette théorie peut donner lieu à de faciles développemens, elle ne résiste pas à l’examen. C’est le but qu’il faut envisager d’abord. Nous n’avons pas voulu la guerre, mais nous voulons la victoire : ce n’est pas la défensive, la passivité, qui nous la donnera.

De quoi s’agit-il en ce moment ? D’user l’adversaire. Nous sommes convaincus que c’est, par des actions offensives que nous aurons le plus de chances de lui infliger une usure supérieure à la nôtre. Car il est faux de prétendre que, dans la guerre de tranchées actuelle, l’assaillant subisse plus de pertes que le défenseur ; c’est l’inverse qui est vrai dans la plupart des cas.

Depuis que la guerre de tranchées s’est installée sur notre front, une évolution s’y est produite ; des transformations successives se sont opérées qui rappellent la lutte classique de la cuirasse et du canon dans les constructions navales. Suivant les phases de cette lutte, l’équilibre était rompu tantôt en faveur de la défense, tantôt en faveur de l’attaque ; il semble que définitivement celle-ci ait pris le dessus.

Au début de la guerre, de simples réseaux en fil de fer barbelé opposaient aux attaques d’infanterie un obstacle qui parut un instant insurmontable. Les vagues d’assaut, arrêtées par ce mince obstacle sous le feu efficace des fusils et des mitrailleuses de la défense, subissaient des pertes telles que les meilleures troupes étaient clouées au sol. On ne tarda pas à découvrir que notre canon de 75, méthodiquement employé, ouvrait à coup sûr des brèches dans les réseaux. La photographie aérienne vint à son aide en lui fixant avec précision les buts à battre. Puis intervinrent les canons de tranchée ; imaginés pour suppléer à