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bizarre en vérité, — « d’annoncer publiquement ses relations avec Alfred de Musset, » afin de trouver en lui sans opposition un défenseur à opposer aux attaques des journaux, Planche, en se substituant à ce défenseur « légitime, » devenait l’intrus, l’ours armé de son pavé malfaisant.

Planche avait d’ailleurs déploré la publicité donnée à cette liaison nouvelle. « Chacun de nous (les amis) pense qu’un aveu de ce genre, encourant les chances de publicité, peut porter un préjudice irréparable à l’avenir de George... » Alors ? « Pour prévenir autant qu’il est en nous les conséquences de cette démarche, un de mes amis et moi nous chargeons des deux insulteurs qui ont paru jusqu’à ce jour, Léon Gozlan et Capo de Feuillide. »

Le parti que prenait Planche : se battre pour éviter le scandale, semble médiocre... Un scrupule le saisit. Après avoir tonné un soir contre toute cette publicité, il a peur qu’on ne l’accuse de prendre trop à cœur « l’honneur de George, » et, le lendemain, il écrit à Sainte-Beuve :

« Promettez-moi, mon cher ami, de ne parler à personne absolument des paroles hautes et dures que j’ai prononcées hier soir devant vous.

« Si j’avais pour George Sand autre chose qu’une intense amitié, ma conduite d’hier serait une grossièreté : j’aurais l’air d’user d’un droit, comme un homme brutal, sans éducation. Ce droit, je ne l’ai pas, je ne suis que ridicule, mais le monde n’est pas obligé de savoir la vérité et ne s’en soucie guère.

« Notre amitié et la loyauté de votre caractère me font espérer que vous ne tromperez pas mon attente, et que vous serez discret. »

De son côté, Musset, mécontent de s’être laissé devancer, et mécontent de lui-même, après une conversation à la Revue, écrivait le lendemain au directeur :


« Mon cher Buloz,

« J’apprends que G. Planche et M. E. Regnault ont provoqué hier M. Capo de Feuillide, et l’un des rédacteurs du Figaro. Lorsque vous m’avez parlé de l’article qui a donné lieu à cette affaire, j’ignorais complètement que vous fussiez instruit de mes relations avec Mme Sand. J’espère que la manière un peu trop légère dont vous m’avez vu traiter cet article vous paraîtra