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bien peu de jours qu’elle a la force de travailler ; pourtant, Jacques est commencé : « Dis-le à Buloz, » écrit-elle à Musset, et en attendant que le courage revienne, elle « fume des pipes de quarante toises de longueur, et prend pour 25 000 francs de café par jour. » Enfin, le 6 mai, elle écrit de Venise :


« Mon cher Buloz,

« Je vous envoie la fin d’André. Je vous l’ai fait un peu attendre, parce que ce roman s’est prolongé au delà de ce que je croyais, et parce que j’ai eu dans la tête des choses un peu plus sérieuses que tous les romans du monde. Rassurez-vous, ce sont des choses qui n’arrivent pas tous les jours dans la vie, et mon travail n’en souffrira plus. Jacques est assez avancé, et avant la fin du mois vous en recevrez une bonne partie. Je vous prie de vous entendre avec Alfred pour le payement de mes quatre volumes de petits romans. J’ai besoin d’argent tout de suite, un peu ici, et beaucoup à Paris. Alfred vous dira cela.

« Alfred aura, je crois, la charité de corriger mes épreuves avant de mettre sous presse la dernière portion du manuscrit que je vous envoie. Faites-la-lui lire, je vous prie, afin qu’il corrige et retranche ce qui serait trop bête. Écrivez-moi et parlez-moi de lui, dites-moi au vrai si sa santé est aussi bonne qu’il me l’assure.

« Avec Jacques je vous enverrai des lettres sur l’Italie que je vous prierai de me payer tout de suite, parce que je n’aurai plus que ça pour vivre en attendant que Jacques soit fini. Je vous en ferai une par mois. Cela vous convient-il ?

« Adieu, mon ami. Dites à Sainte-Beuve que je lui ai écrit une longue lettre, et qu’en la relisant, je l’ai trouvée si maussade et si ennuyeuse, que je l’ai déchirée. Dites-lui qu’il serait bien bon de m’écrire deux ou trois lignes de souvenir. Je suis triste, cela me ferait du bien. Adieu, mon cher, êtes-vous content de vos affaires, de votre santé et de votre ami [1] ?

« GEORGE S. »


Cependant F. Buloz a reçu le manuscrit qu’elle lui a envoyé par Musset ; tout de suite, il l’a lu et fait lire à ses amis ; enthousiasmé de cette lecture, il lui écrit :

  1. Inédite.