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serait ! Vous n’avez plus le droit de vous inquiéter de ces choses-là''. — J’en ai toujours le droit, puisque je passe encore pour votre amant. Vous devriez encore au moins me respecter, et puisque je pars dans trois jours, attendez ce départ qui vous mettra si à l’aise ! »

« Le soir de cette scène, A. de M..., surprit G. S., accroupie sur le lit et écrivant une lettre ! « Que fais-tu là ? — Je lis, » et elle souffla la chandelle. — « Si tu lis, pourquoi éteindre la chandelle ? — Elle s’est éteinte d’elle-même, rallume-la. » A. de M. la ralluma en effet. « Ah ! tu lis, dis-tu et tu n’as pas de livre. Dis plutôt, infâme prostituée, que tu écris à ton amant ! » G. S. eut recours à ses cris ordinaires, elle voulut « s’échapper de la maison, A. de M. la devina : « Tu nourris une pensée horrible ; tu veux courir chez ton docteur, me faire passer pour fou (dire que je veux attenter à tes jours). Tu ne sortiras pas, je veux te garantir d’une lâcheté. Si tu sors, je te plaquerai sur ta tombe une épitaphe à faire pâlir ceux qui la liront, » lui dit Alfred avec une horrible énergie. G. S. pleura, et se plaignit ensuite de coliques.

« Je ne t’aime plus, disait Al. à G S. C’est le moment de prendre ton poison, ou de te jeter à l’eau.

« Aveu à Alfred de son secret sur le docteur ; rapprochement. — Départ d’Alfred. Lettres de G. S. tendres et enthousiastes. »

Est-ce bien le même Musset qui dit, méprisant. « Je ne t’aime plus, c’est le moment de te jeter à l’eau, » et qui écrit, le jour où il quitte sa maîtresse :

« Rien d’impur ne restera dans le sillon de ma vie où tu as passé. Celui qui n’a pas su t’honorer quand il te possédait, peut encore y voir clair à travers ses larmes, et t’honorer dans son cœur où ton image ne mourra jamais. Adieu, mon enfant [1]. »

Et elle répond :

« Adieu, mon petit oiseau...

« Je ne te dis rien de la part de Pagello, sinon qu’il te pleure presqu’autant que moi [2]. »

Cependant elle se remet petit à petit au travail ; elle voudrait aussi aller à Constantinople, du moins elle le croit ; mais avant de partir, il lui faut « remplir ses engagemens vis-à-vis de Buloz. » — Elle n’a pas encore touché à André, car il y a

  1. Correspondance de G. Sand et d’A. de Musset.
  2. Id. de Trévise, 30 mars 1834.