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Pendant ce temps, et malgré les orages qui ont bouleversé son cœur et sa vie, avec acharnement, avec régularité et suite, nuit et jour, elle écrit. Elle a besoin de travailler, car elle n’a plus d’argent, et elle a promis des manuscrits à Buloz... Successivement elle lui enverra les deux Lettres d’un voyageur, elle finira André, et aussi Jacques. Elle a écrit Leone Leoni en quatorze jours, au milieu des angoisses que lui a causées la maladie de son amant. Nous nous la figurions brisée par ses émotions passées, hésitante au seuil d’une nouvelle vie, cherchant dans le travail une discipline morale... Il n’en est rien. Il est vrai qu’elle a des heures d’accablement ; elle pousse alors des cris de détresse vers « son petit oiseau ; » mais la nouvelle vie qu’elle s’est créée, pour bizarre et inattendue qu’elle soit, ne lui déplaît pas.

Le 30 mai, de Venise, George Sand écrit à F. Buloz :


« Mon cher ami,

« Je vous envoie la moitié du premier volume de Jacques.

« Dans trois jours, vous recevrez une seconde Lettre sur l’Italie ; elle est prête. Le 20 juin, vous recevrez la suite de Jacques, vous pouvez donc commencera le mettre sous presse.

« Vous devez avoir reçu la fin d’André. Vous voyez que je suis aussi exacte qu’il est humainement possible de l’être, avec tous les chagrins et les malheurs que j’ai eu à supporter.

« Dans ce moment, je suis horriblement inquiète de mon fils, dont je n’ai pas eu de nouvelles depuis deux mois. Tâchez de m’en donner. J’en demande à tout le monde ; personne ne s’en soucie. Je n’en suis pas plus gaie pour cela. »


Car, au milieu de tout cela, c’est une très bonne mère.

A Musset, elle écrit : « Je suis triste de n’avoir pas ma fille.

« Qu’est-ce donc que cet amour des mères ? C’est une chose mystérieuse pour moi. ; »

Elle n’ose pas demander à son amant d’aller voir Maurice à sa pension, parce qu’elle craint que cela ne le trouble ; mais à Buloz elle écrit, le 14 juin, de Venise :

« Arrangez-vous de manière à ce que je puisse bientôt vous donner une poignée de main, et embrasser mon enfant, que