Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/849

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les supplices. C’est à cette heure qu’elle lui écrit, le « lendemain du bonheur rêvé : »

« Si je suis galante et perfide, comme tu semblés me le dire, pourquoi t’acharnes-tu à me reprendre et à me garder ? Je ne voulais plus aimer, j’avais trop souffert, etc. »

Et lui : « Le bonheur, le bonheur et la mort après, la mort avec. Oui, tu me pardonnes, tu m’aimes, etc. »

Encoi : e : « Je t’aime, je t’aime, je t’aime, adieu, ô mon George ! C’est donc ainsi pourtant... Adieu. Toi, toi, toi, ne te moque pas d’un pauvre homme. »

C’est du délire, et il y aura encore une rupture, mais avant cette rupture les scènes vont se multipliant ; F. Buloz en est souvent le confident, et quelquefois le spectateur. Ainsi il note, sur une lettre de George Sand (du 24 novembre) :

« Elle avoue tout, tristement, en se jetant aux genoux d’Alfred et s’écriant : « Pardonne-moi ! »

« Brouille avec Al., affaire Pagello. Confession de Tattet à AI. [1]. Scènes terribles.

« Chez Dorval, 17 novembre :

« — Croyez-vous à Dieu ?— Je crois à Buloz.

« Répit momentané. »

C’est, ce répit momentané, la fuite à Nohant, — la seconde fuite depuis le retour d’Italie, — Musset était déjà parti, lui, réfugié chez des parens à Montbard. Pour cette fuite, « George, » comme l’appelle toujours F. Buloz, demande au directeur de la Revue son aide, car elle n’a pas un sou, etc. « Gardez-moi le secret de cette nouvelle tentative de séparation, lui écrit-elle « aidez-moi à réussir cette fois, si je n’avais pas d’argent, il n’y aurait pas moyen. Envoyez chez moi avant midi, je vous en supplie. Je n’ai pas besoin de vous recommander le secret d’ici à demain. »

Mais la fugitive ne s’éloigne pas longtemps cette fois : la voici revenue et, à son tour, éperdue d’amour. C’est à cette époque que se rapportent les lignes suivantes (notes de F. Buloz) : « Alfred revient. — Portrait chez Delacroix. — Scène nouvelle avec Alfred le soir. » Ce sont les débuts des tentatives qu’elle fera, pendant deux mois et demi, pour reprendre Musset, qui, à

  1. Lorsque les amans de Venise furent rentrés en France et que, à la suite d’un article injurieux de Gustave Planche, Musset fut sur le point de se battre en duel pour G. Sand, Tattet n’hésita pas à lui raconter ce qu’il avait appris à Paris de la bouche même de Pagello. (Séché, A. de Musset, t. I., p. 101.)