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L’AVENIR DES PETITS ÉTATS [1]

IV
LA BULGARIE


I

Au mois de juillet 1883, la princesse Clémentine d’Orléans, duchesse de Saxe-Cobourg et Gotha, et son plus jeune fils, le prince Ferdinand, vinrent passer quelques jours chez le roi et la reine des Belges, au chalet royal d’Ostende. J’étais alors de service auprès du roi Léopold. Chaque matin, dans la pièce où je travaillais, séparée par une simple cloison de la chambre du prince (car cette partie du chalet est construite en bois), j’entendais le bruit d’une scène étrange et qui m’intriguait. Ferdinand de Cobourg entrait régulièrement en colère et malmenait son secrétaire, un jeune Autrichien. Cet orage quotidien ne se terminait qu’à l’arrivée de la princesse Clémentine qui, avec de bonnes paroles, apaisait son irascible rejeton.

Un jour, je me hasardai à demander l’explication de ces colères matinales au secrétaire autrichien, en le plaignant d’avoir affaire à un maître aussi peu sociable. « Ne me plaignez pas, me répondit cet honnête homme. La mauvaise humeur du prince Ferdinand est très naturelle. C’est un esprit supérieur, d’une haute ambition. Il s’indigne et se désespère de n’être qu’un cadet de famille, de ne jouer aucun rôle, alors qu’il se sent fait pour porter une couronne. » Tandis qu’il parlait, je

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 janvier et 15 mars.