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Vienne, celle-ci ne lui en a pas tenu rigueur, sachant bien que l’enfant prodigue, lorsqu’il aurait besoin d’elle, lui reviendrait, avide de consolations, de conseils et de réconfort. Ce fut le cas pendant les jours sombres qui suivirent le désastreux traité de Bucarest. La cour de Vienne n’avait-elle pas elle-même à faire son meâ culpâ, ayant été la mauvaise conseillère de la perfidie de Ferdinand qui mit fin à l’union balkanique ?

Avec la cour de Russie, ses relations sont bien différentes, même après la réconciliation et le parrainage du Tsar accordé au prince Boris, qui en était la consécration. Le prince de Bulgarie a beau multiplier ses démonstrations publiques de reconnaissance, monumens au Tsar libérateur, aux héros de Plevna, discours enthousiastes prononcés dans des cérémonies officielles, on le tiendra toujours à Saint-Pétersbourg pour versatile et suspect. Peu lui importe, au reste. Il sait que la Bulgarie peut compter sur la Russie, soucieuse de ne pas rompre les derniers liens qui l’attachent à cette pupille, trop émancipée. En septembre 1900, l’assassinat dans une rue de Bucarest d’un sujet roumain, Mihaleanu, par des MacédoBulgares et les craintes conçues pour la vie même du roi Carol ayant suscité un vif conflit entre les deux Etats voisins, chacun chercha à s’assurer d’un allié et d’un défenseur. La Roumanie s’adressa naturellement à l’Autriche-Hongrie, avec qui son souverain était déjà uni par un traité secret ; une convention la garantit aussitôt contre une coalition de la Russie et de la Bulgarie. Ayant appris l’existence de cet accord, le cabinet de Sofia signa, le 13 juin 1902, une convention de contre-assurance avec l’Empire russe qui s’engageait à concourir au maintien de l’inviolabilité et de l’intégrité du territoire bulgare. Se servir ainsi de la Russie, comme d’un bouclier protecteur, se couvrir de son assistance, en cas de revers dans la grande entreprise militaire contre la Turquie, et plus tard se ranger sans remords parmi ses adversaires, lorsqu’il la croit à demi vaincue, telle fut en somme toute la politique de Ferdinand Ier envers la grande Puissance slave.

Le prince de Bulgarie a été de tous les souverains le client le plus fréquent de la Compagnie des wagons-lits, parce qu’il avait, comme Guillaume II, la manie des voyages et que l’état précaire de ses finances le contraignait à circuler de façon plus modeste. La plupart de ses déplacemens ont eu du reste un but