Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/885

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

né, le prince Boris, âgé de deux ans, à l’orthodoxie, lui procura en 1896 le moyen de rentrer en grâce auprès du Tsar. On a jugé sévèrement ce sacrifice delà foi religieuse à l’intérêt dynastique, méconnaissance éclatante d’engagemens pris envers l’Eglise. Comme une mauvaise action a quelquefois sa récompense, le prince de Bulgarie, à la suite de la conversion de son héritier, est entré la tête haute dans la société des princes régnans, où il avait trouvé porte close jusqu’alors. La Russie se déclarant satisfaite, le Sultan n’avait plus de motifs pour refuser à son vassal le firman d’investiture.

Devenu Bulgare, par ambition, le descendant des Cobourg-Kohary n’a jamais cessé d’être Hongrois par inclination et par atavisme. Il a continué de subir l’attraction du milieu où il avait grandi. C’est en Hongrie qu’il revenait chaque année chercher des inspirations, se refaire et se reposer de sa cohabitation avec son peuple, car la rusticité bulgare ne laissait pas que de froisser sa nature de sybarite. En Hongrie aussi est sa fortune domaniale, très obérée par son goût pour le faste : une propriété terrienne, fragment de l’héritage opulent des magnats Kohary dévolu à son frère ainé. L’empereur François-Joseph, à qui il avait prêté son serment d’officier, est le seul souverain qu’il ait constamment traité avec respect. L’ancien lieutenant de honveds en a été récompensé par un avancement extraordinaire : il a été promu feld-maréchal hongrois. L’insistance, curieuse chez un prince étranger, qu’il a mise à obtenir du vieux monarque l’ordre de la Toison d’or, s’explique fort bien par l’envie que cette décoration excite chez les grands seigneurs de son pays d’origine, dont il avait toutes les vanités, et l’on comprend que l’Empereur ait mis quelque malice à faire languir son impatience pour avoir un gage de plus de sa fidélité. Les ministres austro-hongrois, depuis le comte Kalnocky jusqu’au comte Berchtold, ont toujours vu en Ferdinand leur homme de confiance. Ils l’ont soutenu sous main à ses débuts, veillant à ce que l’Europe ne créât pas trop d’embarras à ce nourrisson de leur politique. L’empire habsbourgeois n’a pas voulu le compromettre, en le reconnaissant avant les autres États, mais son représentant à Sofia entretenait avec lui des relations privées et intimes. Que si ce prince hongro-bulgare a été amené par les circonstances et par les nécessités de sa situation balkanique à faire quelques infidélités à la cour de