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grave, si un varlet prisonnier n’avait indiqué celui de Blanquetaque, par où l’armée anglaise s’échappa. — En 1415, le roi d’Angleterre Henri V se trouve dans des conditions analogues. Il avait pris Harfleur, et de la Seine il remontait vers Calais. Il marcha sur Abbeville pour y franchir la Somme, mais tous les passages étaient rompus, et l’armée française était à Péronne, qui le guettait. Il fit alors un détour vers l’amont, passa près de Ham, et alla se retrancher derrière l’Omignon, sur les hauteurs d’Athies.

Il serait aisé de multiplier le récit de ces passages de la Somme, soit du Sud au Nord, soit du Nord au Sud. Mais ils n’ont pour nous qu’un intérêt indirect, puisque, en 1916, les lignes d’opérations des armées adverses ne sont plus perpendiculaires, mais parallèles à la rivière, les Alliés manœuvrant face à l’Est.

Cette orientation Nord-Sud des fronts n’est pas non plus nouvelle dans l’histoire. C’est même la plus ancienne qu’on connaisse ; c’est celle de César en l’an 57. Le général romain se dirigea de Reims sur Soissons, de Soissons sur Beauvais, et de Beauvais sur Amiens. C’est pareillement de l’Est que les Allemands arrivèrent en 1870. Le général de Manteuffel, commandant la Ire armée allemande, partit de Noyon et de Compiègne sur l’Oise, et se dirigea sur Amiens. Il prit position sur la ligne Roye-Montdidier, essaya de percer la ligne de la Somme en amont d’Amiens, n’y réussit pas, et attaqua alors au Sud d’Amiens sur l’Avre. La chute de Villers-Bretonneux amena la prise de la place le 27 novembre. L’armée française se retira par Longueau et Corbie, et alla se reformer à Lille sous les ordres du général Faidherbe.

Celui-ci redescendit sur Péronne, où il passa la Somme, marcha de là au Sud-Est sur la Fère, puis tout à coup, rebroussant chemin, revint face à l’Ouest sur Amiens, et s’établit devant cette ville, sur l’Hallue, à cheval sur la route d’Amiens à Albert. C’est sur cette ligne de l’Hallue que Faidherbe livra bataille, face à l’Ouest, en regardant Amiens. Toutes les attaques allemandes furent repoussées ; mais, le soir, sa jeune armée était trop fatiguée pour recommencer la lutte. Il la replia vers le Nord-Est, entre Arras et Douai.

Les Allemands allèrent assiéger Péronne. Faidherbe, ayant refait son armée, essaya de dégager la place. La bataille eut