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bravoure. Le pays se compose de pentes très lentes, s’élevant en glacis à des hauteurs d’où l’on découvre un vaste horizon, comme à Serre, ou convergeant vers des entonnoirs, de véritables pièges de fourmilions, comme Beaumont-Hamel. Ces hauteurs qui se flanquent les unes les autres, ou ces creux cachés d’où l’on guette l’assaillant à son apparition sur les crêtes, forment des positions défensives extrêmement fortes. Laissant cette région sur notre gauche, attachons-nous au secteur central, entre l’Ancre et la Somme, et au secteur droit, c’est-à-dire aux grands plateaux plats du Sud de la Somme.

Pour bien voir la vallée de l’Ancre, plaçons-nous un peu à l’Ouest de la rivière, en face de l’endroit où les lignes la traversaient. Passons au Mesnil, entonnoir dangereux, toujours criblé d’obus. En nous élevant un peu, nous arrivons à un point d’où nous découvrons vers l’Est le coude de l’Ancre, entre Saint-Pierre-Divion et Grandcourt. En été, le spectacle est charmant. La rivière tourne dans une large vallée encaissée et touffue qui se replie avec elle. Cette courbe laisse apercevoir les premières maisons de Grandcourt, réduites en ruines. De chaque côté de la rivière s’élèvent des plateaux. Celui de la rive Sud, c’est le plateau illustre de Thiepval. Nous le voyons, bien en face de nous, se dresser, de l’autre côté de l’Ancre, dans l’intérieur du coude qu’il occupe de sa haute ligne égale et continue. Au début de l’action, le 1er juillet 1916, le IIe corps anglais, dans le secteur duquel nous nous trouvons, tenait le bas des pentes, les Allemands tenant le haut. Les tranchées rayaient horizontalement le versant. A l’endroit où le plateau commence à s’abaisser sur notre gauche, et à descendre vers l’Ancre, se trouvait la position qui s’est appelée tour à tour le Crucifix et la redoute Schwaben, vigie d’une singulière importance.

Traversons cette rivière et escaladons ce même plateau de Thiepval que nous venons de voir de loin. La traversée de la rivière est singulièrement pittoresque. On dirait un vaste marais blanchâtre, couvert de plantes flottantes, et d’où émergent des saules. Les versans l’atteignent par des éperons. L’un de ces éperons, vers Saint-Pierre-Divion, avait été percé de part en part par les Allemands d’un tunnel, où ils avaient établi un hôpital et des abris. On a pris, je crois, 700 hommes dans cette ville souterraine.