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ne sais quelle force mystérieuse que j'ai respectée comme on respectera mort ou le génie.

« Guynemer n'a été qu'une idée puissante dans un corps aussi frêle, et j'ai vécu près de lui avec la douleur secrète de savoir qu'un jour l'idée tuerait l'enveloppe.

« Pauvre petit ! Tous les enfans de France qui lui écrivaient chaque jour, dont il était le merveilleux idéal, ont vibré de toutes ses émotions, vécu toutes ses joies et souffert de tous ses dangers. Il restera pour eux le modèle vivant des héros dont ils ont connu l'histoire. Son nom court sur toutes leurs lèvres, ils l'aiment comme on leur a appris à aimer les gloires les plus pures de notre pays.

« Monsieur le député, demandez que le Panthéon soit sa dernière demeure, où l'ont déjà placé les mères et les enfans.

« Ses ailes protectrices n'y seront point déplacées et, sous le dôme où dorment ceux qui nous ont donné notre patrimoine, elles seront le symbole de ceux qui nous l'ont gardé.

« Commandant Brocard. »


Après la lecture de ces lettres la salle entière est soulevée, et cette résolution est votée par acclamation :

La Chambre invite le gouvernement à faire mettre au Panthéon une inscription destinée à perpétuer la mémoire du capitaine Guynemer, symbole des aspirations et des enthousiasmes de la Nation.

Dans toutes les écoles de France, le 5 novembre, ces lettres sont relues et, sur l'invitation du ministre de l'instruction publique, Guynemer est donné en exemple à tous les écoliers, petits et grands, de France.

L'armée enfin va le célébrer comme un chef. Pour catafalque vide il aura tout un camp, — le camp d'aviation de Saint- Pol-sur-Mer, d'où il prit son dernier vol. Le 30 novembre, avant de quitter les Flandres où il seconda l'offensive anglaise par ses brillans succès des 31 juillet, 16 août, 9 octobre, — succès payés de tant de douleur et d'endurance, comme tous ceux de cette atroce guerre, car il fallut se battre dans l'eau et dans la boue, — le général Anthoine, qui commande la première armée,