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GEORGES GUYNEMER.


dort, mais la sainte veille et prie. Elle est droite et mince comme un grand lis. Elle ressemble à la lampe qu’elle a laissée à l’entrée de sa maison, et dont la longue tige aboutit à une flamme. Son corps e’macié conduit ainsi à l’expression vivante du visage. Admirable expression de sére’nité qui ne peut venir que de l’œuvre accomplie et de la confiance dans l’avenir : Lutèce est paisible, et cependant elle écoute la terre et l’air comme si elle pouvait entendre encore le pas ou la menace d’Attila. Geneviève est suspendue sur les siècles en marche. Elle sait que les Barbares peuvent revenir et que pour leur barrer la route il faut l’invincible foi.

Tant que la France a ses croyans, elle est assurée de ses destinées. La vie et la mort d’un Guynemer sont un acte de foi dans la France éternelle.


ENVOI

Les ballades du temps jadis se terminaient par un envoi d’une demi-strophe qui était adressé aux puissans du jour et commençait invariablement par un titre : Roi, Reine, Sire, Prince, Princesse. Mais le poète était parfois embarrassé, car « on n’a pas toujours sous la main un prince à qui dédier sa ballade[1]. »

Guynemer a conduit sa biographie en forme de poème. Pourquoi ne pas la terminer par un envoi, comme une ballade ? Pour choisir un prince, je ne suis pas embarrassé. J’élirai, parmi les écoliers de France, celui que son devoir sur Guynemer classe parmi les premiers, j’élirai le petit Paul Bailly, — onze ans et dix mois, — de Bouclans, Franche-Comté. Et, en le choisissant, je m’adresserai par lui à tous les petits écoliers de chez nous, garçons et filles, de nos villes et de nos campagnes.

Et même, si tu le permets, petit écolier de France, je te tutoierai. Les poètes ont toujours eu le privilège de tutoyer Dieu et les grands. Ils ont pris celui de traiter familièrement les divinités qui gouvernent les hommes. Ne représentes-tu pas notre espérance et notre avenir, toi qui seras chargé plus tard, bientôt, de fortifier et garder notre France meurtrie par la guerre ? Dans l’armée à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, le

  1. Théodore de Banville, Petit Traité de poésie française.