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d’Allemagne avec une constitution libérale comme en Angleterre. Elle a assez d’esprit pour avoir beaucoup d’intrigue et d’ambition, mais pas assez de bon sens pour distinguer entre les mœurs allemandes et les mœurs anglaises, entre l’état social de la Germanie et celui de la Grande-Bretagne. Il suffirait de faire cet essai pour ouvrir en Allemagne une ère de désordre et d’anarchie. La France est agitée, l’Espagne est en décomposition, l’Italie est un pays révolutionnaire, l’Autriche n’est plus qu’un cadavre dont les membres vont peut-être bientôt se disjoindre violemment. Seules la Russie et la Prusse représentent aujourd’hui en Europe l’esprit d’ordre, d’autorité, de discipline, indispensable au salut de la société ; c’est là une des causes de notre entente, de notre sympathie réciproque ; nous sommes unis par le même intérêt de conservation. Mais si un jour le prince royal doit sortir de ces erremens et introduire dans ses États le fléau moderne de la démocratie qui s’appelle le libéralisme, je ne pourrai plus voir dans la Prusse qu’un voisin d’autant plus incommode qu’il y a entre nous plus d’un intérêt divergent et qu’elle a en outre toute l’arrogance des parvenus de fraîche date. Dieu veuille que ces dangers soient encore éloignés et que les jours précieux de mon oncle soient longtemps conservés ! S’il mourait, il n’y aurait plus à compter sur Bismarck que je crois épuisé au physique et au moral et encore plus usé dans l’opinion publique de son pays ; il disparaîtrait avec le roi Guillaume et leur système gouvernemental s’écroulerait avec eux.

« J’ai poussé vivement mon beau-frère et ma sœur à n’avoir aucun ménagement pour des hommes qui abritent leurs desseins révolutionnaires sous le nom trompeur de libéralisme ; je leur ai dit que le salut de leur royaume était à ce prix. Je serai toujours l’ami et le défenseur d’une monarchie où l’ordre sera assuré et où la tranquillité sera complète ; je ne me ferai jamais le protecteur d’un pays troublé, d’un foyer de propagande révolutionnaire. Je m’opposerais à une agression injuste de la Prusse contre le Wurtemberg calme et paisible ; mais une intervention de la Prusse dans le Wurtemberg livré aux passions révolutionnaires n’exciterait chez moi qu’un sentiment d’approbation. »

Rapproché de l’opinion d’Alexandre sur l’état de la France, le langage qu’il venait de tenir à Varnbuller aide à comprendre