Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est pourtant le soldat prussien qui nous les a conquises ! »

Cette conclusion en somme est bien une conclusion germanique : Germani ad prædam, les Germains cherchent la proie, disait déjà Tacite il y a deux mille ans. L’objet de leur cul le n’a pas changé : ils courent à la proie et s’attachent avec frénésie au maître qui la leur donne. Ils ont pour cela trouvé la Prusse et les Hohenzollern, — hauts randonneurs suivant leur nom même, — ils suivront ceux-ci avec l’infatigable dévouement qui fait notre étonnement, notre admiration même, tant, vu de loin, cela ressemble à un noble et chevaleresque sentiment ; mais n’y regardons pas de trop près ; ce dévouement n’est peut-être en réalité ni aussi désintéressé, ni aussi solide que nous le croyons ; il peut avoir une fin, et une fin lamentable. Quand un chef de bande cesse d’enrichir ses fidèles compagnons, il arrive parfois que ceux-ci le pendent.

Ces principes du « droit de la force » chers à tous les Germains, le Centre ne songeait en aucune façon à les répudier ; si l’un de ses organes, le Vaterland, de Munich, émettait, comme on l’a vu plus haut, certaines réserves sur la « guerre sainte » contre la France, ce n’était nullement, qu’on ne s’y trompe pas, par esprit de justice, mais par crainte ; les conquêtes de l’Empire nouveau, on ne les discutait pas, mais on en redoutait les suites ; on désirait les garder, mais sans luttes violentes : cinquante ans sous les armes, de nouvelles guerres, de nouveaux massacres, quelle perspective ! À ces bons Teutons du Centre, la peur tenait lieu d’honnêteté, et ce qu’ils eussent voulu obtenir, c’est la résignation passive, le bénévole consentement des opprimés : « Reconquérir nos frères allemands, voilà quel est notre but, disait à la séance du Reichstag, le 20 février, l’un des chefs du parti, le député Majunke, directeur de la Germania : notre point de vue est tout de conciliation, celui en un mot que vous a exposé l’évêque de Strasbourg. »

Que de guirlandes pour achever l’enchaînement du malheureux évêque ! Quant aux mauvaises têtes d’Alsace, comme M. Teutsch, c’est le poing levé que la Norddeutsche allgemeine Zeitung disait, on l’a vu, à ce « compatriote » récalcitrant : « Sois mon frère ou je te brise le crâne ! »

Aux fleurs perfides tressées par le Centre, ni les catholiques d’Alsace, ni la presse catholique de France ne se laissèrent prendre : « Nous croyons, écrit le journal catholique français