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le Monde, que quelques députés du Centre du parlement allemand ont, par leurs conseils, mis Mgr Raess dans cette impasse… Le Centre veut à tout prix écarter de lui et des catholiques allemands l’accusation d’hostilité contre l’Empire. Or, en prêtant leur concours aux Alsaciens, ils justifiaient cette accusation. Voilà pourquoi les députés alsaciens, et les prêtres députés tout d’abord, auraient dû former un groupe spécial, ne pas faire cause commune avec le Centre, se réservant de voter avec lui dans les cas spéciaux[1]. »

Le grand écrivain catholique Louis Veuillot ne put malheureusement exprimer, lui aussi, son opinion : son journal l’Univers, sur la brutale injonction de Bismarck, venait, hélas ! d’être suspendu par le Gouvernement français.

Le piège tendu par le Centre aux catholiques d’Alsace était vraiment trop grossier : une gazette luthérienne, fanatique organe de M. de Bismarck, la Norddeutsche allgemeine Zeitungv ne se mêlait-elle pas de venir à la rescousse de la catholique Germania pour prendre, contre les députés alsaciens, la défense de la hiérarchie ecclésiastique menacée ? A toutes deux, le Monde répondait vertement : « La Gazette de l’Allemagne du Nord reproche précisément au clergé d’Alsace de manquer à ce qu’il doit à son évêque. La Germania prétend de son côté que l’expérience de Mgr Raess devrait être le guide des appréciations du clergé alsacien. Ces deux feuilles sont dans une complète erreur ; les prêtres d’Alsace sont des citoyens, leur opinion politique n’est pas matière à obéissance ; pour être d’un autre avis que leur évêque dans des questions libres, ils ne manquent en aucune façon à ce qu’ils lui doivent… La Gazette de l’Allemagne du Nord prétend que l’évêque de Strasbourg a réparé la faute de son prédécesseur, Egon de Furstenberg qui, lors de l’entrée de Louis XIV à Strasbourg, se serait écrié : « Nunc Dimittis… « Seigneur, laissez mourir en paix votre serviteur, car ses yeux « ont vu le Sauveur ! » La Gazette appelle ce cri un blasphème. Que Mgr Raess ait réparé la faute du prince de Furstenberg, cela est bien possible aux yeux des Allemands, mais non à ceux des Alsaciens[2]. »

Le Centre cependant voulut du moins paraître avoir fait quelque chose en faveur de l’Alsace-Lorraine dont il avait

  1. Le Monde, 27 février.
  2. Le Monde, 4 mars.