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d’hui qu’une forme d’énergie peut se transformer en une autre. Quelles que soient les formes primitives et les formes finales de ces énergies, on constate que leur somme se retrouve quantitativement intacte, après une succession de phénomènes quelconques, à la condition de faire intervenir l’énergie interne. Qualitativement, le principe de Carnot montre, comme nous venons de le rappeler, que cette affirmation ne serait plus exacte. En résumé, l’énergie joue ici, avec plus de généralité et quelques corrections, le rôle attribué jadis à la force vive. Cette énergie, immuable en quantité, détermine, en se modifiant dans sa forme, tous nos phénomènes physiques et chimiques.

On voit maintenant pourquoi nous disions en commençant qu’il était difficile de classer Duhem dans une des vieilles sections scientifiques ; c’est que son Énergétique embrasse à la fois et relie les unes aux autres la physique, la chimie, la mécanique, la thermo-dynamique. On conçoit, en même temps, les difficultés auxquelles cette science va se heurter, la puissance d’abstraction qu’elle va nécessiter. Pour représenter la position d’un point dans l’espace, il suffit d’envisager ses distances à trois plans rectangulaires, soit trois variables seulement. Ces trois variables suffisent à définir ce que les Scolastiques appelaient le « mouvement local, » ou changement de lieu. Mais, si l’on veut, comme on le fait en Énergétique, considérer en même temps toutes les particularités physiques et chimiques qui caractérisent l’état d’un corps à un moment donné, le nombre des variables va augmenter singulièrement et le jeu de leurs modifications simultanées entraînera des équations à variables bien plus nombreuses.

Ne nous effrayons pas de ces complications comme d’une offense à la simplicité qui nous paraît devoir être l’attribut du Vrai. La Vérité serait probablement très simple pour une pensée supérieure à la nôtre et capable de l’embrasser à la fois dans tout son ensemble. Mais, avec l’instrument logique très imparfait dont nous disposons, nous avons toujours tort de vouloir atteindre une simplicité trop grande ; et bien des erreurs scientifiques sont venues de cette simplification outrée que notre esprit exige, à laquelle la pratique de l’enseignement contribue et qui aboutit à ne donner jamais du réel qu’une image schématique et conventionnelle. Nous parlions tout à l’heure des nom-