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breuses variables que doit envisager simultanément l’Énergétique. Certains ont cru résoudre la difficulté par une abstraction d’algébristes : « Laissons, ont-ils dit, toutes ces variables constantes à l’exception d’une seule et étudions tranquillement, posément, ses moditications ; puis faisons-en varier deux à la foiset nous apprécierons leur influence réciproque. » Les énergétistes eux-mêmes tombent dans ce défaut lorsqu’ils admettent qu’un système peut être défini en se donnant d’une part l’état, abstraction faite des températures et, d’autre part, la température en chaque point, indépendamment de l’état : un changement de distribution des températures qui n’est accompagné par aucun autre changement d’état, ne devant, suivant eux, par hypothèse, entraîner aucun travail des forces extérieures. Artifices analytiques, qui nous sont jusqu’à nouvel ordre indispensables, mais dont on doit tendre à restreindre le rôle le plus possible. C’est ce qu’a fait l’Énergétique en contribuant à la création de ces sciences intermédiaires si importantes que l’on appelle aujourd’hui la chimie physique, la mécanique chimique, etc.

En définissant ainsi l’Énergétique, nous n’avons pas laissé de côté Duhem, qui a tant contribué à l’établir. Il serait difficile de préciser davantage son rôle scientifique sans insister sur des considérations techniques dont nous avons peut-être déjà abusé. Bornons-nous donc à dire qu’il a particulièrement envisagé et utilisé la notion du « potentiel dynamique » qui mesure l’aptitude d’un phénomène à exercer son action sur le monde extérieur ; qu’il a étudié, en en généralisant le sens, les « viscosités » par lesquelles un phénomène quelconque se trouve retardé et les « faux équilibres, » en raison desquels la réalisation de ce phénomène devient impossible, quoique nécessitée, comme un corps pesant peut être retenu sur un plan incliné par son frottement ; qu’il a joué un très grand rôle dans le développement de la dynamique chimique, etc.

Avant d’envisager maintenant Duhem comme historien, on nous permettra de faire observer combien, pour les non-initiés qui auront pris la peine de nous suivre, ces notions abstraites ont dû présenter de ressemblance avec les anciens raisonnemens des philosophes et des théologiens, auxquels nous allons maintenant passer. C’est là une analogie à laquelle on ne pense pas quand on se borne à considérer la science