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aux mathématiciens. Ce pharisaïsme enflait la nation coréenne d’une vanité encore plus démesurée que son ignorance et qui lui tenait lieu de patriotisme. Non seulement, il n’utilisait pas ses qualités natives, mais il les frappait de stérilité ou les tournait contre l’intérêt public. Le culte de la famille paralysait l’individu ; son attachement aux morts et son respect de la tradition lui interdisaient toute initiative, toute curiosité de la science et du monde ; l’obéissance aux lois de l’hospitalité engraissait le parasitisme. Et les innombrables écoles confucéennes n’enseignaient ni la franchise, ni l’humanité. Il ne faut pas se fier à la douceur des yeux coréens. Fourbe, versatile, le Coréen a un fond de sauvagerie terrible. Sa cruauté n’a pas de peine à rompre le mince filet de soie dorée dont l’enveloppe son éducation formaliste. Les femmes sont plus vindicatives qu’au Japon. On en voit qui s’empoisonnent pour déchaîner sur l’homme dont elles veulent se venger l’esprit malfaisant qui sortira de leur tombe. Nulle part le peuple n’a été plus pressuré par sa caste nobiliaire. La justice des mandarins a laissé des souvenirs de vénalité et de tortures inimaginables.

Enfin, la sagesse de Confucius ne mettait ni les Lettrés ni personne à l’abri des superstitions. Ce n’était point une économie d’avoir exilé les bonzes : les sorciers pullulaient. On ne vivait ni ne mourait sans eux. L’enfant naissait au son du tambourin des sorcières ; le malade suait sa fièvre au bruit de leurs danses. Les tireurs d’horoscope décidaient des mariages. Les géomanciens choisissaient l’emplacement des sépultures. Ils le choisiraient encore, si les Japonais n’avaient « scandaleusement » établi des cimetières communs. Dans l’enceinte même de Séoul, où le Bouddha n’avait pas le droit d’entrer, sur le haut du Name San, la Montagne du Sud, escaladée par les remparts, des magiciennes tiennent boutique de sorts et de conjurations. Elles ont une espèce de chapelle dont les murs sont barbouillés de trognes grimaçantes. Quelques bols qui traînent sur l’autel vide, des chapeaux rouges suspendus à des patères, un tambour posé dans un coin, sont les accessoires de leur sabbat. Le jour où je grimpais à ce mont de Walpurgis, coréen, ces dames sorcières étaient aux champs. Je n’en vis qu’une très vieille, probablement à la retraite, qui décortiquait du riz et dont la tête ne semblait tenir à ses épaules que par des ressorts tendus, à peine revêtus de chair. De cette hauteur diabolique, on aperçoit toute