Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/586

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

accroissement de prospérité. Ce qui était vrai au printemps de 1914 doit l’être beaucoup moins aujourd’hui. La question ouvrière a grandi avec la même rapidité que les dividendes des actionnaires, le nombre des industries et la cherté de l’existence dont les prix ont brusquement doublé. Des grèves ont éclaté sur les chantiers de constructions, dans les fonderies, dans les filatures de laine et de coton. Je ne crois pas que la troupe ait été obligée d’intervenir ; mais elles ont été sérieuses, et la presse s’est indignée de la servitude où les capitalistes réduisaient les travailleurs. Désormais, le gouvernement sera forcé de compter avec les ouvriers. On a trop répété que cette guerre était la lutte de la démocratie contre l’autocratie pour que les mots d’idées et de progrès démocratiques ne soient pas jetés dans les discussions parlementaires et que les agitateurs ne s’en emparent pas. En effet, le 10 juillet 1917, à la Chambre des Pairs, M. Takahashi demandait au gouvernement s’il partageait les vues des Alliés sur le triomphe des principes démocratiques. Le premier ministre, le général Térauchi, répondit : « Quelle que puisse être l’attitude des autres Puissances vis-à-vis de la démocratie, ceux qui connaissent bien la constitution de la nation japonaise ne songent pas à mettre ce sujet en doute. » M. Takahashi dut se contenter de cette réponse un peu sibylline, qui, d’ailleurs, pour presque tous les Japonais, était assez claire. Ils ne confondent pas autocratie et monarchie. La vraie démocratie s’accommode aussi bien du régime monarchique que du régime républicain. La plupart pensent même qu’elle s’en accommode beaucoup mieux. Ils jugent que leur Constitution est suffisamment démocratique. En tout cas, ils n’ont aucune envie de renverser un trône que, depuis au moins mille ans, leurs guerres civiles ont étrangement respecté et dont les changements politiques des autres pays font, disent-ils, ressortir la splendeur…

André Bellesort.