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pour joindre la forteresse de Landau et son rayon au reste du royaume. »

Ainsi, dans la région de la Sarre, — la seule dont il sera question dans la présente étude, — le traité du 30 mai 1814 laissait à la France les cantons de Rehling, Sarrelouis, Puttelange, Völkling, Sarrebrück, Saint-Arnual. Si les négociateurs des Alliés se prêtèrent sur ce point aux légitimes revendications de la France vaincue et dépouillée, ce ne fut pas seulement pour atténuer dans quelque mesure la douloureuse amputation qu’on nous faisait subir, ce fut surtout parce qu’ils eurent l’impression, peut-être inconsciente, que les populations de cette région de la Sarre étaient en complète communion de vie économique et sociale avec celles de nos départements de la Meurthe et de la Moselle. Elles vivaient étroitement mêlées, même par les liens de famille ; elles prospéraient par les mêmes industries ; elles se pénétraient en échangeant leurs produits naturels ou manufacturés. Elles ne pouvaient, semblait-il, se passer les unes des autres ; le charbon de Sarrebrück alimentait les salines de Dieuze, de Château-Salins et de tout le Saulnois, et réciproquement. En quotidiennes relations d’affaires, ces populations lorraines, de même origine ethnique, — les Médiomatrices, — et implantées séculairement sur le même terroir, étaient solidaires les unes des autres, à tel point que les séparer eût été la plus criante des injustices sociales : c’était les condamner à la gêne, à la ruine peut-être. Metz était leur centre commun d’attraction ; elles avaient, toutes, des sentiments français hautement affirmés, quelle que fut leur langue usuelle et populaire ou l’ancienneté relative de leur incorporation à la France.

Au surplus, Sarrelouis était une ville d’origine purement française, ayant été fondée en 1680 par Louis XIV et bâtie par Vauban. Quant à Sarrebrück, ses comtes avaient été, durant des siècles, inféodés à la France autant qu’au Saint Empire. Plusieurs d’entre eux avaient occupé, au moyen âge, de hautes dignités à la cour de nos rois. Sous Louis XIV, ils avaient réclamé le protectorat du Roi ; depuis la réunion de la Lorraine à la Couronne, leur comté formait en France presque une enclave. Ils levaient des régiments qui furent constamment, pendant deux siècles, au service de la France. En juillet 1789, le régiment de Nassau-Sarrebruck, en garnison à Metz, fut