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l’Hamburg America Line, qui, de l’aveu du directeur Buenz, recevait par câble des informations sur la position en mer des navires de guerre allemands et des instructions pour les ravitailler. Il ne sait qui a payé les 2 000 000 de dollars à l’Hamburg America Line pour prix de ses services et des ravitaillements. Il se peut que son attaché naval se soit occupé de l’affaire : lui-même n’en a rien connu. Si donc le rappel des capitaines Boy-Ed et Papen est demandé quelques jours plus tard par le gouvernement des États-Unis, l’ambassadeur verra certainement avec regret partir ses attachés ; mais il acceptera l’inévitable : il admettra qu’ils doivent supporter la responsabilité de s’être mis eux-mêmes dans un mauvais cas.

Il laisse passer, — ou il approuve quand il y a chance que ses paroles soient rapportées, — le message de rentrée du Président et la déclaration de guerre contre les fauteurs de complots qui s’y trouve.

C’est lui-même qui conte, en faisant mine de s’en égayer abondamment, la dernière aventure de son malheureux attaché naval Boy-Ed. On a trop peu ébruité l’histoire à l’époque : elle vaut qu’on la rappelle.

Le 16, le Président est averti par téléphone qu’un rapport demandé par lui a passé par le cabinet de l’attaché naval allemand avant de lui être remis. Le même jour, et très peu après que le Président a reçu le message, l’attaché naval allemand, le capitaine Boy-Ed, entre rouge de fureur dans son bureau de New-York, et faisant claquer la porte. Il prend aussitôt à partie l’un de ses secrétaires américain et lui reproche dans les termes les plus violents d’avoir dévoilé ses secrets au Président. Le secrétaire, très maître de soi, l’écoute froidement, et reconnaît immédiatement le fait. La fureur de Boy-Ed est alors au comble. Il étouffe d’abord ; il bredouille, il balbutie puis il lance des imprécations, il vaticine, il parle de cynisme, de trahison, de perfidie américaine, d’idiotie yankees ; il voit l’invasion de New-York par les armées impériales, il prophétise l’écrasement de l’Amérique et des Américains sous la botte de l’Allemagne ; il annonce bien d’autres choses encore. Bref, il ne se connaît plus. À bout de souffle enfin, sinon d’arguments, il se tait un moment. Le secrétaire profite de l’éclaircie pour rappeler qu’il possède bien d’autres secrets de l’attaché naval allemand et convenir qu’il est d’ailleurs tout prêt à les révéler. Après une