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une bouffonnerie pleine d’entrain l’attitude mélodramatique de son attaché naval. Il imita, assura-t-on, ainsi que lui seul savait faire, l’embarras de l’attaché qui, au moment de quitter New-York et tenant un papier en chaque main, l’un où il attaquait en termes violents l’attitude de la presse américaine, l’autre où il présentait avec feu sa propre défense, fut pris tout à coup de l’irrésistible envie de se moucher, dut mettre un des papiers dans sa poche tandis que l’autre, soudain lâché, s’envolait à la brise. L’accent, le bredouillement, le ton, l’air de courroux, tout y était. On prétendit que les personnes présentes rirent aux larmes, et que l’auteur de cette peu ordinaire « imitation » fit comme elles… Mais ce n’est qu’un on-dit.


Un peu plus tard surgit la question du blocus et des droits de l’Angleterre à maintenir les « Ordres en Conseil. » Il faut voir alors avec quelle apparente ingénuité, quel air de candide bonne foi l’ambassadeur allemand sait se servir des arguments mis en avant par l’Angleterre et les retourner contre elle pour justifier l’Allemagne de sa guerre sous-marine. Les « Ordres en Conseil » sont, d’après les vues anglaises, mesures d’expédient et mesures de représailles ? Mais qu’est donc la guerre sous-marine si violemment reprochée par les Etats-Unis à l’Allemagne, sinon une mesure de représailles, un expédient pour protester contre l’affamement systématique par l’Angleterre des femmes et des enfants allemands ? L’ambassadeur se sent là sur un terrain solide. Il connaît la passion des Américains pour le droit et leur révolte contre la violation de la loi internationale. Il sait aussi leur esprit de justice, leur impartialité. En s’efforçant donc d’établir une analogie entre la conduite de l’Angleterre dans sa guerre économique, et celle de l’Allemagne dans sa guerre maritime, il sait fort bien que, s’il ne fait pas disparaître la prévention que les Etats-Unis ont à l’égard de l’Allemagne à cause de la guerre sous-marine, du moins enveloppera-t-il l’Angleterre dans cette même prévention. Il poussera l’argument plus loin encore. On reproche à l’Allemagne l’invasion de la Belgique par la raison de « nécessité » de guerre. Mais que font donc les Alliés en Grèce et quelle raison, sinon quel droit, ont-ils d’y être, autre que cette nécessité ? On dénonce l’inhumanité des représailles de la