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une allure instable, et s’abattre dans leurs tranchées, les énormes et terribles projectiles des Minenwerfer. Mais, à la même date, nous commencions, de notre côté, les essais de types modernes de mortiers tirant de la poudre B : le canon 58 de tranchée, etc.

Dans un document capturé par nous, daté du 4 juillet 1915, un général allemand, le général Fleck, dit en ces termes combien fut prompte et vigoureuse la riposte française : « Au début de la guerre de position, nous n’avions qu’un nombre infime de Minenwerfer, sur l’emploi desquels ni le commandement subalterne ni le haut commandement de l’infanterie n’étaient bien fixés. Les Français, dépourvus de ces engins, se rendirent vite un compte exact de leur puissance. Ils en créèrent bientôt par des moyens de fortune, puis en quantités toujours plus grandes et sous des formes chaque jour plus parfaites. Bientôt ils furent en état d’en accroître les effets et de pratiquer des tirs intensifs ; ils prirent à cet égard la supériorité sur nous. Nous réussîmes peu à peu à rétablir l’égalité, grâce au nombre et à l’organisation méthodique de nos Minenwerfer… »

Mais, chez nous aussi, le nombre s’accrut, l’organisation méthodique se précisa, et nous pûmes multiplier des armes de types divers, de plus en plus redoutables : tel le canon de 240 millimètres, qui lance à 500 mètres au moins, à 2 350 mètres au plus, un projectile de 94 kilogrammes, chargé de 47 kilogrammes d’explosif. Le 25 septembre 1915, nous pouvions concentrer, sur les fronts de nos attaques de Champagne et d’Artois, 500 canons de 58 de tranchée et 30 canons de 240 de tranchée. Dix mois plus tard, nos attaques sur la Somme disposaient de 900 canons de 58, de 80 mortiers de 75, de 100 canons de 240, de 80 canons de 150, de 10 canons de 340, au total de près de 1 200 matériels d’artillerie de tranchée.

Ces chiffres et ces données se réfèrent à des temps lointains, et surtout à des engins qui, tout comme les engins allemands d’ailleurs, n’étaient pas très précis : car la rayure et le forcement (chez les Allemands, la rayure sans forcement) sont remplacés dans l’artillerie de tranchée par un empennage propre à simplifier la manœuvre et augmenter la portée, mais au détriment de la précision. Mais depuis quelques mois, la France possède un matériel nouveau, dont les Allemands ont éprouvé déjà la précision plus grande.