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par la perspective d’une paix prochaine, permettre aux armées allemandes de se relire sur la Meuse et de s’y reconstituer tranquillement pour de nouvelles opérations. C’était là méconnaître à la fois et l’état moral de l’Allemagne et celui des peuples de l’Entente. Ces derniers ne virent dans la prétendue démocratisation de l’Allemagne qu’un simulacre pour mystifier le président Wilson et dans la demande d’armistice qu’un signe de détresse. Les Allemands, eux, prirent au grand sérieux la démarche de leur gouvernement. Pour hâter cette paix qu’on demandait en leur nom, ils se montrèrent prêts à tout immoler, même la dynastie, même la caste militaire. Et ce fut ainsi que Ludendorff précipita l’effondrement de l’Allemagne.

Après la démission de Hertling, les partis se querellent pour savoir si le prochain gouvernement sera un ministère « de concentration » ou de « majorité. » Mais le Grand Quartier a son plan : les socialistes veulent des portefeuilles, on leur en donnera, et pour chancelier on prendra un fantoche, le prince Max de Bade. Il est sans doute plaisant de voir cet héritier d’une maison régnante, ce général de cavalerie, devenir l’initiateur de la démocratie. Mais les socialistes, satisfaits d’être ministres, feignent de ne pas s’apercevoir de l’ironie du contraste. Quant au public, on lui assure que ce ministère est là pour faire la paix : il ne tient pas à en savoir davantage.

Le 7 octobre, Max de Bade demande officiellement un armistice et la paix, en acceptant toutes les conditions posées par le président Wilson. On ne s’attendait ni à une démarche si soudaine, ni à une adhésion si complète. Les socialistes éprouvent donc le besoin de se disculper : ils font remarquer que le chancelier n’a pas formellement abandonné la Posnanie et l’Alsace-Lorraine. Les pangermanistes, d’abord un peu interloqués, s’emportent contre le gouvernement. Ils ignorent, du reste, que la demande d’armistice est partie du Grand Quartier. La ligue des agrariens, le parti des conservateurs-libres, la société de la patrie allemande font entendre des protestations véhémentes. Mais le peuple a trop de sujets d’anxiété pour prêter l’oreille à ces cris d’indignation ; les Turcs sont écrasés en Palestine, les Slaves d’Autriche sont en pleine insurrection ; l’attitude de la Pologne devient de plus en plus menaçante ; les lignes allemandes ont été enfoncées entre Cambrai et Saint-Quentin. « La situation sur le front occidental a subi soudain