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Conclusion : puisque Wilson paraît se contenter de la disgrâce de Ludendorff, nous pouvons nous épargner la honte de lui sacrifier notre Empereur. Le peuple allemand jugea hasardeux le commentaire de la Kœlnische Volkszeitung et crut plus sûr de pousser jusqu’au bout la « démocratisation. »

Guillaume II finit par s’exécuter. Se trouva-t-il des Allemands pour rougir de la lâcheté de leur peuple et de leur souverain ? On le saura plus tard. Des violences et des insurrections déchaînées çà et là par la défaite et par la faim, une troupe de politiciens qui court au-devant de toutes les hontes plutôt que de se laisser évincer du pouvoir, un peuple accablé, silencieux, morne, dont la misère augmente encore la passivité fataliste, voilà, à cette heure suprême, tout ce que nous pouvons distinguer en Allemagne.

Wilson ayant transmis le mémorandum aux Alliés et invité le gouvernement allemand à s’adresser au maréchal Foch, quelques journaux feignirent déconsidérer cette dernière note comme une victoire des Etats-Unis sur l’Entente. Puis, les parlementaires gagnèrent les lignes françaises ; ils allaient, dit-on, non pas capituler, mais discuter. Ce dernier mensonge était bien superflu : Erzberger, tout le monde en était convaincu, partait pour tout signer : il signa tout... Et, dès le lendemain, selon sa vieille méthode, l’Allemagne commença de jouer une nouvelle comédie pour apitoyer ceux qu’elle n’avait pu écraser... Mais, comme on ignore à peu près tout des événements qui, depuis lors, se sont passés en Allemagne, il est, à plus forte raison, impossible de connaître les réactions de l’opinion.


Cet effondrement moral s’est accompli avec une soudaineté qui a étonné l’univers. Nous tous, Français, nous n’avions jamais désespéré de la victoire ; nous savions que le droit finirait par l’emporter et que la miraculeuse sottise de l’Allemagne nous sauverait de sa puissance militaire ; nous avions confiance que la volonté opiniâtre de la France, le courage de ses soldats, le souple génie de ses généraux viendraient à bout de la machine de guerre montée par l’Etat-major allemand, la plus parfaite et la plus redoutable que le monde ait jamais vue. Nous étions sûrs que le dénouement du drame satisferait notre conscience