Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

points par le fait de notre situation particulière. D’abord, la situation de toute notre principale région industrielle sera telle que, pendant de longs mois, on ne pourra y reprendre le travail ancien, aussi bien dans les tissages et les filatures que dans les mines ou les usines métallurgiques : surtout avec une flotte commerciale atrophiée, rendant tous les arrivages de matières premières et de machines difficiles. La partie de la France restée intacte ne suffira pas à occuper, dans leur profession ancienne, les démobilisés en excès. Si fâcheuse que soit la solution, on voudra peut-être recourir au régime des allocations et multiplier les primes de chômage pour ne pas faire de jaloux. Comme palliatif, le ministère du Travail, qui, depuis longtemps, encourage les municipalités à organiser des bureaux de placement, a créé des Offices départementaux de placement, dont 56 se sont réunis en congrès à la fin de 1917 pour examiner les mesures à prendre pendant la démobilisation. Nous ne saurions avoir qu’une confiance médiocre dans ce genre de remèdes. Toutefois, on manquait déjà tellement de travailleurs avant la guerre et nos pertes ont été telles que cette crise de chômage, si elle se produit faute d’un plan d’ensemble, sera en tout cas très courte et limitée à un petit nombre d’industries. Sans instituer d’ateliers nationaux, on pourrait la restreindre en commençant quelques-uns des travaux indispensables que nous avons déjà eu l’occasion de signaler.


LA FUTURE DISETTE DE MAIN-D’ŒUVRE

La question grave et qui doit préoccuper d’avance dans tous les pays en guerre n’est donc pas cette possibilité d’un chômage restreint et momentané ; elle se pose à l’inverse, sous la forme d’une disette prévue, qui va nécessairement raréfier la main-d’œuvre dès que le monde reprendra une vie normale. La cause en est, malheureusement, trop évidente. On commençait déjà à se disputer les ouvriers avant la guerre. Que sera-ce quand il faudra se réorganiser avec les survivants, après une saignée qui aura fait disparaître au moins le dixième, peut-être le septième des hommes valides : la proportion pouvant être encore plus forte suivant les professions et les pays. Sans doute, la population française à alimenter et à fournir aura, elle aussi, subi une diminution, mais non à beaucoup près